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ExoMars observing water in the martian atmosphere
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ExoMars découvre un nouveau gaz et retrace la perte d’eau sur Mars

10/02/2021 1959 views 13 likes
ESA / Space in Member States / France

Le sel marin incrusté dans la surface poussiéreuse de Mars et qui s’est infiltré dans l’atmosphère de la planète a conduit à la découverte du chlorure d’hydrogène - la première fois que l’ExoMars Trace Gas Orbiter (TGO) d’ESA-Roscosmos détecte un nouveau gaz. L’engin spatial fournit également de nouvelles informations sur la façon dont Mars perd son eau.

L’une des grandes quêtes de l’exploration de Mars vise la recherche de gaz atmosphériques liés à l’activité biologique ou géologique, ainsi que la compréhension de l’inventaire hydrographique passé et présent de la planète, afin de déterminer si Mars a pu être habitable un jour et si des réserves d’eau pourraient être accessibles pour une future exploration humaine. Deux nouvelles conclusions formulées par l’équipe ExoMars et publiées aujourd’hui dans Science Advances dévoilent une toute nouvelle catégorie de chimie et fournissent des informations supplémentaires sur les changements saisonniers et les interactions surface-atmosphère, qui sont les moteurs de ces nouvelles observations.

Une nouvelle chimie

« Nous avons découvert du chlorure d’hydrogène pour la première fois sur Mars. Il s’agit de la première détection d’un gaz halogène dans l’atmosphère de Mars, et cela représente un nouveau cycle chimique à comprendre », déclare Kevin Olsen de l’Université d’Oxford, au Royaume-Uni, l’un des principaux scientifiques à l’origine de la découverte.

Le chlorure d’hydrogène gazeux, ou HCl, comprend un atome d’hydrogène et un atome de chlore. Les scientifiques étudiant la planète Mars ont toujours été à l’affût des gaz à base de chlore ou de soufre, car ils sont des indicateurs possibles de l’activité volcanique. Mais la nature des observations sur le chlorure d’hydrogène - le fait qu’il ait été détecté dans des endroits très éloignés en même temps, et l’absence d’autres gaz que l’on pourrait attendre de l’activité volcanique - indique une source différente. En d’autres termes, la découverte suggère une interaction surface-atmosphère entièrement nouvelle, due aux saisons de poussière sur Mars, qui n’avait pas été explorée auparavant.

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Découverte de nouveaux gaz sur Mars
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Dans le cadre d’un processus très similaire à celui observé sur Terre, les sels sous forme de chlorure de sodium - vestiges des océans évaporés et encastrés dans la surface poussiéreuse de Mars - sont soulevés dans l’atmosphère par les vents. La lumière du soleil réchauffe l’atmosphère, ce qui provoque l’ascension des poussières, ainsi que de la vapeur d’eau libérée par les calottes glaciaires. Les poussières salées réagissent avec l’eau atmosphérique pour libérer du chlore, qui lui-même réagit avec les molécules contenant de l’hydrogène pour créer du chlorure d’hydrogène. D’autres réactions pourraient voir la poussière riche en chlore ou en acide chlorhydrique remonter à la surface, peut-être sous forme de perchlorates, une classe de sel composée d’oxygène et de chlore. 

« Vous avez besoin de vapeur d’eau pour libérer le chlore et vous avez besoin des sous-produits de l’eau - l’hydrogène - pour former du chlorure d’hydrogène. L’eau est essentielle dans cette chimie », explique Kevin. « Nous observons également une corrélation avec la poussière : nous voyons plus de chlorure d’hydrogène lorsque l’activité de la poussière augmente, un processus lié au réchauffement saisonnier de l’hémisphère sud ».

Différentes possibilités pour la formation du chlorure d’hydrogène sur Mars
Différentes possibilités pour la formation du chlorure d’hydrogène sur Mars

L’équipe a repéré ce gaz pour la première fois lors de la tempête de poussière mondiale de 2018, en observant son apparition simultanée dans les deux hémisphères, nord et sud, et a constaté sa disparition étonnamment rapide à la fin de la période saisonnière de poussière. Ils examinent déjà les données recueillies au cours de la saison des poussières suivante et voient le HCl remonter. 

« C’est incroyablement gratifiant de voir nos instruments sensibles détecter un gaz jamais vu auparavant dans l’atmosphère de Mars », nous précise Oleg Korablev, chercheur principal de l’instrument Atmospheric Chemistry Suite qui a fait cette découverte. « Notre analyse relie la génération et le déclin du gaz de chlorure d’hydrogène à la surface de Mars ». 

Des tests approfondis en laboratoire et de nouvelles simulations atmosphériques globales seront nécessaires pour mieux comprendre l’interaction surface-atmosphère à base de chlore, ainsi que des observations continues sur Mars pour confirmer que la hausse et la baisse du HCl sont dues à l’été de l’hémisphère sud. 

« La découverte du premier nouveau gaz à l’état de trace dans l’atmosphère de Mars constitue une étape majeure pour la mission ExoMars Trace Gas Orbiter », selon Håkan Svedhem, scientifique du projet ExoMars Trace Gas Orbiter de l’ESA. « C’est la première nouvelle classe de gaz découverte depuis la prétendue observation du méthane par le Mars Express de l’ESA en 2004, qui a motivé la recherche d’autres molécules organiques et a finalement abouti au développement de la mission Trace Gas Orbiter, pour laquelle la détection de nouveaux gaz représente un objectif primordial. »

L’augmentation de la vapeur d’eau recèle des indices sur l’évolution du climat

Outre les nouveaux gaz, le Trace Gas Orbiter affine notre compréhension de la façon dont Mars a perdu son eau - un processus qui est également lié aux changements saisonniers. 

Selon les experts, l’eau liquide se serait autrefois écoulée à la surface de Mars, comme en témoignent les nombreux exemples d’anciennes vallées asséchées et de canaux de rivières. Aujourd’hui, elle est principalement enfermée dans les calottes glaciaires et enfouie sous terre. Mars perd encore de l’eau aujourd’hui, sous forme d’hydrogène et d’oxygène s’échappant de l’atmosphère. 

Pour comprendre l’évolution du climat de Mars, il est essentiel de comprendre l’interaction des réservoirs potentiels d’eau et leur comportement saisonnier et à long terme, ce que permettrait l’étude de la vapeur d’eau et de l’eau « semi-lourde » (où un atome d’hydrogène est remplacé par un atome de deutérium, une forme d’hydrogène avec un neutron supplémentaire).

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Retracer l'histoire de l'eau sur Mars
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« Le rapport deutérium à hydrogène, D/H, est notre chronomètre - une mesure puissante qui nous renseigne sur l’histoire de l’eau sur Mars, et sur l’évolution de la perte d’eau au fil du temps. Grâce à l’orbiteur ExoMars Trace Gas, nous pouvons désormais mieux comprendre et calibrer ce chronomètre et tester de nouveaux réservoirs d’eau potentiels sur Mars », nous explique Geronimo Villanueva du Goddard Space Flight Center de la NASA et auteur principal de cette nouvelle conclusion.

« Le Trace Gas Orbiter nous permet d’observer la trajectoire des isotopologues de l’eau lorsqu’ils montent dans l’atmosphère avec un niveau de détail impossible auparavant. Les mesures précédentes ne donnaient que la moyenne sur la profondeur de l’atmosphère entière. C’est comme si nous n’avions eu qu’une vue en 2D. À présent, nous pouvons explorer l’atmosphère en 3D », explique Ann Carine Vandaele, chercheuse principale de l’instrument Nadir and Occultation for MArs Discovery (NOMAD) utilisé pour cette enquête.

ExoMars observe de l'eau dans l'atmosphère martienne
ExoMars observe de l'eau dans l'atmosphère martienne

« Il est intéressant de noter que les données montrent qu’une fois l’eau complètement vaporisée, elle présente un enrichissement commun important en eau semi-lourde et un rapport D/H six fois supérieur à celui de la Terre dans tous les réservoirs de Mars, ce qui confirme que de grandes quantités d’eau ont été perdues au fil du temps », nous dit Giuliano Liuzzi, de l’Université américaine et du Goddard Space Flight Center de la NASA, et l’un des principaux scientifiques de l’étude.

Les données ExoMars collectées entre avril 2018 et avril 2019 ont également montré trois cas d’accélération de la perte d’eau dans l’atmosphère : la tempête de poussière mondiale de 2018, une tempête régionale courte mais intense en janvier 2019, et la libération d’eau de la calotte polaire sud pendant les mois d’été liée au changement de saison. Il convient de noter en particulier un panache de vapeur d’eau ascendante pendant l’été austral qui pourrait injecter de l’eau dans la haute atmosphère sur une base saisonnière et annuelle.

Les futures observations coordonnées avec d’autres engins spatiaux, dont MAVEN de la NASA, qui se concentre sur la haute atmosphère, fourniront des informations complémentaires sur l’évolution de l’eau au cours de l’année martienne.

« Le changement des saisons sur Mars, et en particulier l’été relativement chaud dans l’hémisphère sud, semble être le moteur de nos nouvelles observations telles que la perte accrue d’eau dans l’atmosphère et l’activité de la poussière liée à la détection du chlorure d’hydrogène, que nous constatons dans les deux dernières études », ajoute Håkan. « Les observations du Trace Gas Orbiter nous permettent d’explorer l’atmosphère martienne comme jamais auparavant. »

Comment ExoMars étudie l'atmosphère
Comment ExoMars étudie l'atmosphère

Notes à l’attention des rédacteurs

Transient HCl in the atmosphere of Mars by Korablev et al, and Water heavily fractionated as it ascends on Mars as revealed by ExoMars/NOMAD by G. Villanueva et al sont publiés dans le numéro du 10 février 2021 de Science Advances.
En français : Le HCl transitoire dans l’atmosphère de Mars par Korablev et al, et l’eau fortement fractionnée lors de son ascension sur Mars comme révélé par ExoMars/NOMAD par G. Villanueva et al.

Les articles sont basés sur les données collectées par les instruments ACS et NOMAD à bord de du Trace Gas Orbiter ExoMars d’ESA-Roscosmos.