Mars Express contribue à dévoiler les secrets du site d’atterrissage de Perseverance
Deux études basées sur les observations faites par la sonde Mars Express de l’ESA du cratère Jezero, le futur site d’atterrissage du rover Mars 2020 « Perseverance » de la NASA, ont fait la lumière sur quand et comment cette région fascinante s’est formée, et identifié les zones les plus susceptibles de révéler des signes de vie passée.
Le rover Mars 2020 Perseverance de la NASA va chercher des signes d’une vie passée sur Mars, et collecter des échantillons en vue d’un futur retour de ceux-ci sur Terre. La NASA et l’ESA travaillent conjointement sur des concepts de mission pour ramener ces échantillons sur Terre d’ici 2031.
Deux études basées sur des données collectées par la mission Mars Express de l’ESA — en orbite autour de la planète rouge depuis 2003 — identifient quelles zones du site d’atterrissage sont les plus susceptibles d’avoir préservé des signes d’une vie passée, du climat, de l’eau, et du volcanisme. Toutes les deux ont étudié une partie de la surface de Mars connue sous le nom de Nili Fossae, et plus spécifiquement le cratère Jezero situé dans cette zone.
Le cratère Jezero présente un delta, preuve que l’eau y coulait autrefois sous la forme d’un lac, et contient de grandes quantités d’olivine et de minéraux carbonatés. Les carbonates se forment en présence d’eau et sont connus pour piéger les biosignatures, qui prouvent la présence de la vie. L’olivine est présente dans les roches magmatiques et peut être utilisée pour explorer et dater précisément le passé volcanique de Mars.
Lyon à la pointe de la minéralogie martienne
« Nous savons depuis des décennies que Nili Fossae est une zone tout à fait unique sur Mars, et le cratère Jezero a été choisi comme site d’atterrissage pour le rover Perseverance en raison de ce caractère unique, » explique Lucia Mandon du Laboratoire de Géologie de Lyon (Terre, Planètes, Environnement) et auteur principal de l’étude portant sur la minéralogie, l’âge et l’évolution de la région de Nili Fossae.
« Néanmoins, même si cette zone de Mars a été très étudiée, les scientifiques n’ont pas de certitude sur quand ni comment elle s’est formée, ni pourquoi elle contient tant d’olivine et de minéraux carbonatés. A vrai dire, pas moins de six différents scénarios de formation ont été proposés ces vingt dernières années. »
Afin de lever cette incertitude, Lucia et ses collègues ont analysé des observations de la région de Nili Fossae effectuées par Mars Express de l’ESA et par l’orbiteur MRO de la NASA : un mélange d’images haute résolution et de données topographiques, minéralogiques et thermiques. Ils ont découvert que le substrat rocheux riche en olivine dans la région autour du cratère Jezero s’étend sur au moins 18 000 kilomètres carrés, et s’est formé il y a environ 3,8 milliards d’années.
« Après avoir examiné tous les scénarios plausibles, nous pensons que la région de Nili Fossae a probablement été sculptée par des éruptions massives de cendres et d'autres matériaux rejetés par des volcans géants. Le volume des matériaux éjectés est colossal, plus de 1 000 fois supérieur à celui de l’éruption du Vésuve qui a détruit Pompéi en 79 avant J.-C. »
Lucia et ses collègues ont également cartographié les carbonates présents à travers Nili Fossae, et certaines des détections les plus solides sont à proximité du site d’atterrissage du rover Perseverance. Ces minéraux se forment dans des eaux plutôt neutres — des environnements qui sont propices à la plupart des formes de vie que nous connaissons sur Terre.
« Sur Terre, on trouve des stromatolithes — des structures formées de couches successives de micro bactéries — dans presque tous les lacs alcalins qui produisent des carbonates. Ces stromatolithes ont préservé certaines des biosignatures les plus nettes datant de plusieurs milliards d’années trouvées sur notre planète. Nous ne savons pas si nous trouverons des stromatolithes sur Mars, mais cet environnement lacustre est un excellent endroit où chercher des biosignatures et des molécules organiques qui témoigneraient du passé de Mars, » explique Briony Horgan de l’Université Purdue (États-Unis) auteur principal d’une étude complémentaire sur la distribution et l’origine des roches carbonatées du cratère Jezero.
Le cratère Jezero est le seul endroit sur Mars où des carbonates ont été détectés à proximité immédiate de caractéristiques qui indiquent la présence d’un ancien lac ; cela les rend particulièrement intéressants à la fois dans le cadre de l’étude de l’eau, et d’une potentielle vie passée sur Mars.
« Ces carbonates seront des cibles clés de Mars 2020 et de la Mission de retour d’échantillons à cause de leur fort potentiel de préservation de biosignatures, » ajoute Briony.
“Grâce à une mission de retour d’échantillons, nous serions capables de dater précisément ces échantillons en laboratoire, et de comparer cet âge à celui que nous avons estimé depuis l’orbite, » ajoute Lucia. « Cela nous permettrait de calibrer la chronologie du système martien, et c’est une des raisons clés pour laquelle la Mission de retour d’échantillons de Mars est à la fois passionnante et précieuse. »
Lancé il y a 17 ans, Mars Express est en orbite autour de Mars depuis décembre 2003, et embarque une série d’instruments perfectionnés. Ces études ont utilisé des données issues de la caméra stéréoscopique haute résolution HRSC et du spectro-imageur OMEGA (Observatoire pour la Minéralogie, l'Eau, les Glaces et l'Activité).
« Alors que HRSC cartographie la topographie de la surface de Mars avec une résolution de quelques dizaines de mètres par pixel, OMEGA produit des images détaillées dans le visible et le proche infrarouge que les chercheurs peuvent utiliser pour identifier des minéraux de surface, » ajoute Dmitri Titov, scientifique du projet Mars Express pour l’ESA.
« C’est très enthousiasmant de voir que les nombreuses missions martiennes apporteront leur soutien au rover Perseverance et s’appuieront sur ses conclusions quand il atteindra cette zone scientifiquement passionnante de la surface martienne. Mars Express a 16 années d’expérience de cette planète, qui se révéleront inestimables pour l’exploration future et les essais de retour d’échantillons. »
Les études "The mineral diversity of Jezero crater: Evidence for possible lacustrine carbonates on Mars" de B. H. N. Horgan et al. (2020) et "Refining the age, emplacement and alteration scenarios of the olivine-rich unit in Nili Fossae region, Mars" de L. Mandon et al. (2020) ont été publiées dans le journal Icarus.