François Roelants du Vivier, Groupe «Espace » : «Nous faisons confiance à l'ESA»
Le sénateur François Roelants du Vivier préside la 8ème CIEE (Conférence Interparlementaire Européenne de l’Espace). Ce parlementaire bruxellois de 58 ans, qui est archéologue et historien de l’art, est un ardent supporter de l’effort d’une Europe unie dans l’espace.
F. Roelants du Vivier est surtout fier du rôle joué par la Belgique spatiale, de l’importance - au sein de cette Europe - des chercheurs (Space Pole d’Uccle, Universités de Bruxelles, Microgravity Research Center) et industriels (SABCA, Numeca) de la Région de Bruxelles-capitale. Il mise sur la technologie des systèmes spatiaux pour y développer des produits, services et emplois à haute valeur ajoutée.
Avec plusieurs membres du Parlement belge, F. Roelants du Vivier vient d’assister au 27ème lancement d’une Ariane 5 qui a permis, le 27 mai, de placer en orbite de transfert géostationnaire la charge record de 9.212 kg avec les satellites de télécommunications Satmex-6 (Mexique) et Thaicom-5 (Thaïlande). Au Port spatial de Kourou, il s’est dit inquiet pour l’avenir des sous-contractants belges dans la restructuration en cours de l’industrie européenne des systèmes spatiaux : « La rationalisation industrielle est une chose jusqu’à un certain point. Mais arriver à la situation de monopole est pour nous insoutenable ».
Pour mieux se défendre, la Belgique ne devrait-elle pas se doter d’une agence nationale ?
L'avenir spatial de la Belgique passe par cette volonté politique de nous situer, de façon déterminée, dans la dimension européenne. Une structure nationale nous replierait en quelque sorte sur nous mêmes. Or, nous devons montrer à nos partenaires, qui sont tentés par un certain patriotisme économique en privilégiant leurs intérêts nationaux, que nous faisons confiance à une entreprise supranationale qui est l'Agence spatiale européenne.
N’y a-t-il pas une tentation de régionaliser l’effort spatial de la Belgique en le répartissant entre ses trois Régions économiques?
Je suis et reste un partisan convaincu et acharné de la compétence fédérale en matière spatiale. Les Régions ont, certes, développé des compétences grâce à une politique de niches technologiques qui nous valorisent au niveau européen. La Belgique se doit de rester unie au sein de l’Union européenne et de l’ESA. Notre agence, c’est l’ESA, dont nous sommes le plus petit des grands Etats ou, si vous voulez, le plus grand des petits ! Si nous devions disperser nos efforts, nous renoncerions à ce qui fait notre réputation et nos spécificités. Ce serait préjudiciable à l’ensemble des trois Régions. C’est pourquoi nous n’avons pas besoin d’une agence spatiale nationale. En revanche, il faut qu'il y ait une plus grande coopération entre le fédéral et les régions, en nous référant au principe de subsidiarité qui doit aussi prévaloir entre les Etats européens pour le succès de l’Union à l’échelle globale.
Que représente le spatial pour la Région de Bruxelles-capitale ?
Un millier de personnes y sont directement impliquées dans les systèmes spatiaux d’envergure européenne. Ce qui n'est pas mal pour une région de 162 km², de plus d’un million d'habitants. Surtout que l’espace représente un secteur d'activités à haute valeur ajoutée, avec des emplois très qualifiés. C’est par ailleurs un secteur où se trouvent mêlées la recherche avec ses expériences scientifiques et l'industrie avec ses applications à but technologique et à valeur commerciale.
Créer des emplois est un réel défi que Bruxelles se doit de relever ?
L'emploi est une priorité spécialement à Bruxelles. En fait, on a affaire à un paradoxe et c’est un phénomène universel qu’on retrouve dans chaque capitale. Bruxelles, vu ses instances de décision et de gestion au niveau de l’Union européenne, est le plus grand pourvoyeur d'emplois de la Belgique, mais c’est un constat qui ne profite pas nécessairement aux Bruxellois. Les gens qui travaillent dans une grande ville vont s’installer aux alentours. Si bien qu’on y accumule une main d'oeuvre peu qualifiée pour laquelle il faut trouver des solutions. Des mesures économiques, de type fiscal, doivent inciter des sociétés à investir à Bruxelles-capitale pour y créer des emplois nouveaux.
Quel rôle peut jouer BRUSPACE que vous avez contribué à mettre en place ?
BRUSPACE a un rôle de lobbying. C’est un groupe de pression. Pour avoir toute son efficacité, il doit, en réunissant les intérêts professionnels des chercheurs et entrepreneurs du domaine spatial, faire savoir aux décideurs, qu'ils soient économiques ou politiques, les atouts de ce secteur d’activités et les attentes de ses membres. Lorsque j'ai constaté qu'il existait deux associations professionnelles dans les deux autres régions du pays, à savoir le VRI (Vlaamse RuimtevaartIndustriëlen) en Flandre) et Wallonie Espace, j’ai pris conscience d’un vide pour Bruxelles. Il fallait combler ce vide. Loin de moi, l'idée d'exacerber une compétition avec les groupements du spatial flamand et wallon. Avec BRUSPACE, Bruxelles dispose d’un instrument propre, apte à travailler de concert avec les organisations des deux autres régions au niveau fédéral. De plus, le groupement BRUSPACE a déjà démontré son utilité au niveau régional, puisqu’il permet l’échange d’informations entre ses membres et qu’il fournit déjà des données demandées par l’administration régionale sur les produits et services du spatial. J’espère - cela devient urgent - que la Région de Bruxelles-capitale va véritablement prendre conscience de l’ importance de BRUSPACE et sera attentive à lui donner des moyens d’existence, comme l’ont déjà compris la Flandre et la Wallonie en soutenant leurs associations respectives.
Quelle est la stratégie pour intéresser les jeunes aux études des sciences et aux métiers des nouvelles technologies ?
A l’occasion d’une journée consacrée aux systèmes spatiaux, nous voudrions avec BRUSPACE permettre à la population de Bruxelles de visiter les entreprises qui font du spatial, afin de se rendre compte de l’importance et de l’intérêt des retombées qui sont liées à de nouveaux produits et services. Nous nous réjouissons des actions que la Fondation Prince Philippe met sur pied avec son Forum « Espace & Enseignement ». Il y a les expériences en microgravité que des jeunes de la fin des humanités peuvent réaliser, grâce à l’ESA, lors de vols paraboliques avec l’Airbus A300 « Zero G ». La prochaine campagne, prévue en septembre prochain, verra cet Airbus faire escale dans la capitale belge. Le Sénat a lancé le Prix OdISSea qui récompense les travaux d’étudiants de l’enseignement supérieur. Plus que jamais, il faut investir énormément dans l’éducation. Et à Bruxelles, on dispose d’outils de qualité, comme le Planétarium, les musées, les expositions.