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l'Airbus spécialement renforcé de Novespace
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Laboratoire ESA en chute libre : destiné à échapper à l'emprise de la gravité

24/03/2003 712 views 0 likes
ESA / Space in Member States / Belgium - Français

L'Airbus A300 "Zero-G" de Novespace, qui est parqué sur le tarmac de l'aéroport de Bordeaux-Mérignac. C'est bel et bien un laboratoire ailé. Au début d'avril, une douzaine d'équipes scientifiques a pris place à bord alors qu'il se propulse vers le ciel pour effectuer des chutes libres durant lesquelles l'effet de la gravité est annihilé.

La 34ème campagne de l'ESA avait commencé avec une semaine de préparatifs et de séances d'entraînement pour les expérimentateurs. A partir du 1er avril, pendant trois journées, l'Airbus spécialement renforcé de Novespace décollait une fois par jour. Au-dessus du Golfe de Gascogne, il volait en effectuant des courbes paraboliques au cours desquelles sont brièvement reproduites les conditions de la microgravité à l'intérieur de sa cabine capitonnée.

C'est comme si l'Airbus évolue sur un roller invisible. Son pilote l'expédie pour une montée en flèche à pleine puissance, puis coupe les moteurs jusqu'à une poussée nulle. Alors l'avion n'est plus soumis qu'à l'attraction de la gravité et commence à décrire une parabole dans le ciel, comme la trajectoire d'une balle en l'air. Le fait d'être en chute libre supprime l'effet de la gravité à l'intérieur de l'appareil pendant quelque 20 secondes, jusqu'à ce que finalement le pilote remettent les gaz pour faire revenir l'Airbus à l'horizontale.

Les chercheurs peuvent interagir directement avec leurs sujets
Les chercheurs peuvent interagir directement avec leurs sujets

Lors des 31 paraboles qui sont réalisées en deux heures et demie, on enregistre jusqu'à une dizaine de minutes de microgravité par jour. C'est l'occasion mise à profit par les chercheurs d'Europe qui s'intéressent à la manière dont les matériaux et la matière vivante se comportent en l'absence de poids.

"Les campagnes de vols paraboliques donnent un accès rapide et peu coûteux à la microgravité", explique Vladimir Pletser, le coordinateur à l'ESA des activités "Parabolic Flight Campaign". "Elles nous permettent d'avoir un cycle rapide d'opérations. Depuis la proposition initiale jusqu'au vol de l'expérience, il se passe six mois, voire moins."

"Ce qui est unique, c'est que les effets de la transition entre les niveaux de gravité peuvent être étudiés. Pendant que l'avion effectue les différentes manoeuvres, on peut enregistrer des niveaux variables de gravité jusqu'à 1.8 G, suivant les besoins des expérimentateurs."

"Et quand il s'agit de biologie humaine, les chercheurs peuvent interagir directement avec leurs sujets, ce qui n'est pas vraiment possible dans l'espace."

Sujets à tester pour une expérience de chercheurs de la Katholieke Universiteit Leuven
Sujets à tester pour une expérience de chercheurs de la Katholieke Universiteit Leuven

Des cobayes bien connus se sont trouvés à bord lors de cette campagne. L'astronaute de l'ESA Frank De Winne a retrouvé pendant un jour ses collègues de la mission Odissea en octobre dernier, Serguey Zalioutine et Youri Lonchakov.

Le trio a joué le rôle de sujets à tester pour une expérience de chercheurs de la Katholieke Universiteit Leuven. Il s'agit d'étudier la réaction cardiovasculaire durant la phase d'impesanteur. Cette expérience est la suite de l'activité qui a été réalisée lors du vol "taxi" de Frank De Winne d'une durée de huit jours.

Parmi les 11 autres expériences qui sont installées dans l'Airbus "Zero-G", l'ESA et l'Institut Karolinska de Suède doivent mettre à l'essai l'appareil Pulmonary Function System (PFS) qui doit prendre place dans l'International Space Station (ISS). L'équipe de chercheurs est accompagnée par l'astronaute néerlandais de l'ESA André Kuipers comme cobaye. André Kuipers doit aller dans l'espace lors d'un vol "taxi" Soyouz au début de l'année prochaine.

Pulmonary Function System
Pulmonary Function System

"Le PFS analyse les gaz qui sont aspirés et expirés des poumons du sujet, précise John Ives, le directeur du Projet PFS. "Cette analyse nous fournit des données non seulement sur la façon dont les poumons fonctionnent en microgravité mais sur la vitesse à laquelle le sang circule, tout en observant comment les gaz sont absorbés."

La compagnie danoise Innovision a également contribué au PFS et compte mettre au point une version pour une utilisation dans les hôpitaux. Une version antérieure, appelée Advanced Respiratory Monitoring System n°2 (ARMS-2) fut employée lors de la mission STS-107 en février 2003, qui devait se terminer tragiquement avec la perte de la navette Columbia et de son équipage.

"Une telle expérience est la démonstration que la recherche va de l'avant", constate Vladimir Pletser.

Deux équipes d'étudiants qui ont participé à des vols paraboliques en 2002 ont à nouveau pris part à la campagne. Une équipe allemande de l'Université de Regensburg a prévu d'observer comment des grains de matière de différentes dimensions se comportent en microgravité. Dans des conditions normales, les grains les plus gros tombent sur leur tête - ce que les physiciens appellent "l'effet de noix du Brésil" - mais on ne parvient pas à savoir pourquoi.

Et les étudiants de l'Université de Technologie de Helsinki vont contrôler le taux d'erreur de CD lorsqu'on les imprime en microgravité. Il s'agit de déterminer dans quelle mesure les CD peuvent à bord de l'ISS constituer un moyen efficace pour le stockage des données.

Les trois vols paraboliques de la campagne sont loin d'être des parties de plaisir pour la douzaine d'équipes qui sont très motivées. Pletser tient à préciser: "20 secondes par parabole est une période très courte, mais il peut être mis à profit comme un temps très long d'expérimentation si vous vous êtes bien préparé."

"Nous cherchons à combiner dans les équipes du personnel qui a déjà volé avec les nouveaux pour essayer et pour éviter des problèmes. Un pourcentage de personnes termine en étant malade et il est difficile de prévoir qui est susceptible d'être malade. Les chercheurs ne font pas des bonds dans la cabine, mais ils restent attachés près de leur équipement, une fois que leur travail est achevé."

"Mais il y a une section matelassée de l'habitacle, où on peut prendre le temps d'une parabole pour flotter en chute libre."

Vladimir Pletser est lui-même un vétéran qui a à son actif quelque 3 400 paraboles en une quinzaine d'années: "Ceux qui font l'expérience de la microgravité pour la première fois essaient de nager, agitants bras et jambes comme si l'air autour d'eux était un environnement visqueux. Et ils font de grands yeux, une fois qu'ils perdent leurs repères habituels."

"Pour ce que vous ressentez, vous pouvez chercher à le décrire aussi bien que vous le désirez, mais vous n'arrivez jamais à faire passer l'expérience vécue."

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