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Le cosmonaute Frank De Winne vous en dit plus

24/01/2003 620 views 0 likes
ESA / Space in Member States / Belgium - Français

Outre les félicitations et des remerciements qui ont été adressés par de nombreux "chatteurs", nombreuses ont été les questions posées au cosmonaute de l'ESA Frank De Winne qui a volé dans l'espace du 30 octobre au 10 novembre. Voici une synthèse des réponses qu'il a données de manière fort concise.

1. Sur le projet de l'Inde et de la Chine d'envoyer des astronautes sur la Lune :

• Ce serait fantastique. Plus il y a de monde qui voyage dans l'espace, plus on peut travailler ensemble pour l'exploration pacifique de l'espace.
• La compétition dans l'espace ne peut que stimuler le progrès et le développement.
• J'ose espérer que la compétition ne va remettre en question la sécurité. La plupart des vols se feront d'ailleurs en coopération.
• Cette coopération est l'un des éléments les plus intéressants dans le métier d'astronaute.

2. Sur les missions vers d'autres planètes :

• Il faut absolument faire des expéditions vers d'autres planètes !
• Ceci prendra du temps pour organiser de telles expéditions, mais nous n'allons pas dans l'espace parce que c'est facile !
• Je suis convaincu qu'on ira un jour sur Mars.

3. Sur l'autonomie de l'Europe pour les vols habités :

• Je pense que nous avons besoin de développer notre propre accès à l'espace. Ce qui signifie davantage d'investissement mais, sur le plan technologique, nous sommes capables de le faire.

4. Sur le cosmodrome de Baikonour :

• Je le trouve un peu vieux mais encore très opérationnel. Il y a aussi beaucoup d'éléments délabrés.

5. Sur son rôle à bord du Soyouz, après le lancement et l'arrimage à la station, durant la mission :

• J'ai dû aider au pilotage du Soyouz comme ingénieur de bord et j'ai réalisé plus de 20 expériences dans la station.
• J'ai préparé le vaisseau pour l'opération d'arrimage et j'ai essayé de dormir pour être bien reposé pour l'arrimage.
• La plus grosse difficulté était d'exécuter toutes les expériences. Après la mission, il y a les interviews à la télévision et pour les journaux.

6. Sur la vie dans la station, dans l'espace :

• Au début, la vie était difficile, mais mes équipiers m'ont beaucoup aidé et après quelques jours, c'était fantastique.
• La station m'a réellement surpris, surtout pour le très grand nombre d'instruments à bord. Je n'ai pas été opprimé par l'habitacle, car il est très grand.
• L'ISS se trouve à 400 km d'altitude et elle m'est parue plus grande que j'imaginais.
• Il se trouve beaucoup d'ordinateurs portables "laptop" à bord de la station.
• On peut discerner un "haut" et un bas" dans la station, vu que les lumières se trouvent au plafond., mais en réalité, il n'y en a pas.
• L'entente entre les membres de l'équipage - nous étions six à bord - était très bonne. Mes coéquipiers m'ont beaucoup aidé.
• Il y a beaucoup de bruit dans la station, à cause de tous les ventilateurs qui y font circuler l'air.
• L'espace est tout à fait noir, avec un grand nombre d'étoiles comme durant la nuit. Je n'ai pu observer une planète en particulier, sauf la nôtre.
• Je ne me suis jamais ennuyé au cours de mon vol.
• Je n'ai pas eu peur, mais j'étais un peu nerveux.
• On ne peut pas comparer les risques d'un vol en F-16 et dans l'espace, mais je préfère voler dans l'espace.
• J'ai dormi dans l'espace, comme je dors au sol.
• A bord, on s'exprime en anglais et en russe.
• Rester trop longtemps dans l'espace n'est pas très sain. Le rayonnement est plusieurs fois plus élevé que sur Terre. On reçoit dans l'espace plus de rayonnement que le personnel d'une centrale nucléaire. Nous devons trouver une solution à ce problème.
• Il n'y a pas de risques d'une collision avec d'autres satellites, parce que nous évoluons loin d'eux.
• Mon meilleur ami lors de cette mission est Serguey Zalioutine.

7. Sur les activités les plus intéressantes à bord de l'ISS :

• Ce qu'il était intéressant d'observer, c'était la fine couche de l'atmosphère. J'ai été fort impressionné par sa minceur, alors qu'elle nous protège toujours et qu'elle permet la vie sur la Terre.
• Là-haut, on peut se rendre compte combien la Terre est fragile. Il est indispensable de prendre les décisions qui la protègent autant que possible.
• Durant mes temps libres, j'ai envoyé des e-mails à des amis, regardé par le hublot et me suis amusé avec l'autre équipage.
• L'expérience la plus originale à bord de la station concernait la croissance d'une salade et ça se passait bien.
• Deux des expériences que j'étais chargé de réaliser n'ont pas marché. Elles vont voler à nouveau en avril.
• La plus drôle des expériences belges était Neurocog qui faisait "voler" dans des mondes virtuels.
• Je n'ai rien vu de particulier dans l'espace, à partir la couche atmosphérique.
• C'est vraiment bien de vivre dans l'espace, de flotter librement et de travailler pour tous les gens sur Terre. Au début, cette vie était assez difficile.
• J'ai pu observer l'éruption du volcan Etna et c'était magnifique.
• Une tempête vue depuis l'espace est l'une des choses les plus superbes... C'est comme un énorme feu d'artifice qui n'a pas de fin.
• Depuis l'espace, je n'ai pas très bien vu la Belgique, car on vole à une altitude de 400 km, à la vitesse de 28.000 km à l’heure.
• Je n'ai pas pu voir la Belgique était très éclairée la nuit, parce qu'elle était couverte de nuages.
• Ce qui est le plus beau à regarder, ce sont les récifs de corail dans l'océan.

8. Sur la sensation d'impesanteur :

• C'était vraiment chouette d'être en impesanteur, très amusant. Mais il est difficile au début de voler correctement.
• Ma masse dans l'espace était 62 kg.
• Cela m'a pris 4 à 5 jours pour m'habituer à l'impensateur.
• Connaître l'impesanteur dans l'ISS est différent de ce qu'on connaît au cours d'un vol parabolique. L'état d'impesanteur est permanent.
• Au retour, j'étais très excité de voler à nouveau dans l'atmosphère, mais j'aurais voulu rester un peu plus longtemps.
• Je me sens bien depuis mon retour sur Terre.
• J'ai connu une accélération jusqu'à 4 g lors de mon vol.
• Je n'ai eu aucun problème physique en impesanteur. Je n'ai pas été pris de nausées.
• La force d'attraction de la terre ne se sent pas très fort dans l'espace, parce qu'on est en état de chute permanente.
• Si on sort de la station, on suivra le déplacement de la station, parce qu'on se trouve sur la même orbite autour de la Terre.
• Un astronaute lors d'une marche spatiale reste à la même vitesse que la station, parce qu'il n'y a rien pour se freiner ou s'accélérer. Il n'y a pas de pression atmosphérique. En fait, il n'y a (presque) rien dans l'espace.

9. Sur des situations d'urgence :

• Uniquement une fois. Avant de prendre une décision, on en a discuté avec les contrôleurs au sol.

10. Sur le scaphandre spatial :

• Mon scaphandre, composé de plusieurs couches de protection, pèse environ 10 kg, mais tu ne te sens pas dans l'espace.
• Il permet de se protéger, au cas où un incident survient dans la capsule.
• Il m'a fallu, en volant dans l'espace, une quinzaine de minutes pour l'endosser.

11. Sur la nourriture à bord :

• Il y a toutes sortes de goûts, comme sur Terre. Des oeufs, des légumes, des patates...
• La nourriture n'est pas mauvaise, mais elle n'est pas la même qu'ici sur la Terre. Il n'y a pas de frites.

12. Sur les toilettes spatiales :

• C'est comme sur Terre, sauf que pour le WC, il y a un système d'aspiration.

13. Sur les médicaments qu'on prend en impesanteur :

• Ce sont des questions privées d'ordre médical auxquelles on ne répond pas sur internet.
• Je n'ai pas été vraiment malade, juste un peu pris de vertige au début.
• Le coeur et la pression sanguine s'habituent bien au milieu spatial mais au retour, les problèmes se posent. Ce qui explique que les examens médicaux sont si sévères.

14. Sur les communications avec les radio-amateurs :

• Je pense que les liaisons avec les radio-amateurs sont très utiles psychologiquement.
• Mon "callsign" comme radio-amateur qui est ON1DWN est mon nom personnel sur Terre.

15. Sur le retour sur Terre :

• La rentrée dans l'atmosphère est vraiment spectaculaire !
• Au moment de la rentrée, il se forme un brasier très rouge de plasma autour de la capsule.

16. Sur l'intérêt de son vol en Belgique :

• Je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait autant d'intérêt en Belgique. - Naturellement, je suis un peu fier mais il y a tant de gens au sol qui ont rendu cela possible.

17. Sur un troisième Belge dans l'espace :

• Je ne sais pas mais pas avant trop longtemps.

18. Sur la durée et les difficultés de son entraînement :

• Il m'a fallu 1 année et demie d'entraînement de cosmonaute. Au préalable, j'avais déjà été entraîné.
• Avant d'aller dans l'ISS, j'ai effectué des vols paraboliques à bord de l'avion russe "zero-g" , mais non à bord de l'Airbus.
• L'apprentissage de la langue russe a été très difficile.
• Ca vaut vraiment la peine de faire cet entraînement, m^me si c'est très long.

19. Sur le processus de sélection :

• J'ai désiré être astronaute alors que j'étais élève pilote et ingénieur, à l'âge de 20 ans, quand j'ai vu le premier vol du Space Shuttle.
• Durant mes humanités, j'ai choisi l'option mathématique-sciences.
• Il ne faut pas être pilote pour devenir astronaute mais une expérience opérationnelle de pilote aide à le devenir.
• Ce processus est très long et il faut être très motivé.
• Pour aller dans l'espace, il faut une formation universitaire, comme un diplôme de docteur en sciences ou d'ingénieur.
• D'abord, j'ai été sélectionné par la Belgique, puis à l'ESA. Vous pouvez tout savoir à ce sujet sur le site http://www.esa.int/odissea
• Pour devenir astronaute, il faut avoir une bonne formation en technologie et en science, puis rester motivé et chercher à se faire une place petit à petit.
• J'avais à l'école de bon résultats en mathématique et en physique, mais de mauvais points pour les langues.
• Il n'y a pas de différence entre cosmonaute et astronaute. Les cosmonautes, ce sont les Russes. Les astronautes, ce sont les Américains et les Européens.
• Même si beaucoup de problèmes sont liés au vol spatial habité, ça vaut la peine de devenir un astronaute, de devenir une "space girl".
• Les femmes ont leur place dans l'espace. Dans la station, il y avait une Américaine.

20. Sur son salaire d'astronaute :

• C'est le salaire d'un ingénieur qui travaille à l'ESA.
• Nous ne faisons pas ce métier pour gagner beaucoup d'argent, mais pour servir l'humanité.

21. Sur les relations avec la famille :

• J'ai trois enfants et ils m'ont manqué.
• J'aime vivre à Noordwijk, mais ma famille vit en Belgique, dans le Limbourg, plus précisément à Saint Trond.
• Au sujet de l'échec de la fusée Soyouz, ma femme et mes enfants n'étaient pas effrayés. Ils étaient très contents que je puisse réaliser mon rêve.

22. Sur les souvenirs ramenés de la station :

• J'ai emporté avec moi dans l'espace quelques objets personnels mais pas d'objet fétiche.
• Je n'ai rapporté aucun souvenir de l'ISS et le scaphandre que j'ai utilisé est la propriété des Russes.

23. Sur le coût de son vol, alors qu'il y a tant de problèmes sur Terre :

• L'exploration de l'espace n'est pas une dépense inutile. C'est un investissement pour l'avenir !

24. Sur la vie extra-terrestre et les OVNI (Objets Volants Non Identifiés) :

• Je n'en ai pas encore vu. Je crois bien qu'il y a de la vie ailleurs mais je ne crois pas dans les OVNI.
• Depuis mon vol, je suis encore plus persuadé qu'il doit y avoir de la vie ailleurs.

25. Sur son avenir comme astronaute :

• Je continue de travailler sur la mission, mais j'ai déjà démarré quelque chose d'autre, comme travailler dans le laboratoire européen Columbus.
• Cette année, je suis occupé à la préparation du lancement du module européen Columbus qui doit être installé sur l'ISS.
• Depuis mon retour, je trouve qu'aller dans l'espace est encore plus intéressant et qu'il reste encore des défis à relever.
• J'espère effectuer encore un vol spatial. D'ici cinq ans.

26. Pour ses activités après le vol, comme invité de conférences:

• Je dois promouvoir les sciences auprès des jeunes, lors de mon chat comme aujourd'hui.
• Je vais mettre mon expérience au service de l'ESA et de la Belgique.
• Je prendrai part le 30 mars prochain à la Journée de la Technologie.
• J'irai sans doute, pendant les grandes vacances, à l'Euro Space Center Belgium.
• Pour mon programme, il faut contacter l'EAC (European Astronaut Centre) via le site de l'ESA.
• En ce qui concerne les distinctions honorifiques, il faut demander à l'ESA.
• Un livre va le mois prochain être publié sur ma vie et sur mon vol

[N.B. Ce livre intitulé Frank De Winne, du F-16 au Soyouz et rédigé par Christian Du Brulle, journaliste au quotidien Le Soir, va paraître aux Editions Labor, Quai du Commerce, 29, 1000 Bruxelles].