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L'Université danoise d'Aalborg a déjà lancé des Cubesat sous le nom d'Aausat
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OUFTI-1, « Cubesat » belge pour D-STAR

26/06/2008 2142 views 1 likes
ESA / Space in Member States / Belgium - Français

OUFTI! Cette expression populaire du patois liégeois va passer dans le langage spatial comme l'abréviation d'Orbital Utility For Telecommunications / Technology Innovations. Il s'agit du « Cubesat » imaginé par des étudiants en Master de la Faculté des Sciences Appliquées de l'Université de Liège (ULg).

Il est réalisé comme un outil pédagogique au sein du LTAS/3SL (Laboratoire Space Structures and Systems Laboratory) et de l'Institut Montéfiore/EECS (Electrical Engineering and Computer Science). OUFTI-1 vient d’être sélectionné pour faire partie des neuf nano-satellites à lancer avec la fusée Vega lors de son premier vol de démonstration en 2009.

OUFTI-1 est, comme les huit autres « Cubesats », un nano-satellite de 1 kg à l'armature légère qui peut tenir dans une main. Mais la comparaison s'arrête là. Une fois satellisé entre 350 et 1200 km d'altitude, ce cube de 10 cm de côté, qui est bourré de micro-électronique, doit réaliser une « première » mondiale dans l'espace! Sa mission, d'après une idée de Luc Halbach, ingénieur civil électronicien chez Spacebel (Liege Science Park), est de tester sur orbite le nouveau système D-STAR (Digital Smart Technologies for Amateur Radio) de télécommunications numériques que les radio-amateurs sont en train de mettre en place à l'échelle globale. Ce qui a séduit à l'Université de Liège les professeurs Gaetan Kerschen (LTAS) et Jacques Verly (EECS): ils ont proposé ce projet à leurs étudiants pour des travaux de fin d'études.

Cap sur une « première » mondiale!

Au début de l'année, pour se familiariser à l'utilisation du protocole D-STAR, l'Institut Montéfiore a installé le premier relais terrestre, en Belgique, du système D-STAR. Cet équipement donne entière satisfaction depuis le démarrage, le 3 janvier 2008, de ses liaisons radio ("contacts" en jargon radio-amateur). Portant l'indicatif ON0ULG, il a suscité beaucoup d’intérêt chez les étudiants. Certains, désireux de devenir des radio-amateurs, ont suivi des cours et passé un examen pour la licence. Une manière de se préparer à l'odyssée d'OUFTI-1.

Le « Cubesat » qui fait à peine 1 kg peut tenir entre deux doigts
Le « Cubesat » qui fait à peine 1 kg peut tenir entre deux doigts

Un premier trio d’étudiants en électronique a pris forme pour réaliser leur travail de fin d’études sur le concept OUFTI-1 de relais miniaturisé D-STAR. Stefania Galli (originaire de Milan, 3ème Ingénieur civil LTAS), Philippe Ledent (1er Master ingénieur civil EECS) et Jonathan Pisane (3ème Ingénieur civil EECS) forment le premier team de pionniers « Cubesat » en Belgique. Du 22 au 24 janvier, ils ont participé à un atelier organisé à l'ESTEC. Leur objectif était de recevoir toutes les informations en vue d’une place gratuite sur le lancement de la première fusée Vega. A cette occasion, ils se sont s'entretenus avec le Prof. Bob Twiggs, de l'Université de Stanford en Californie, qui est le père du concept des satellites éducatifs CubeSat: il leur a fait part de son expérience et a indiqué que l'idée même de ces nano-satellites lui avait été suggérée par un radio-amateur, alors qu'il se trouvait toujours à la Weber Sate University en Utah. Aujourd'hui, elles sont quelque 60 universités et écoles à s'être lancées dans l'aventure Cubesat.

Le projet OUFTI, dont le coût est estimé entre 80.000 et 100.000 € (hors lancement), fait suite à l'initiative LEODIUM (Lancement En Orbite de Démonstrations Innovantes d'une Université Multidisciplinaire/Low Earth Orbit Demonstration of Innovation in University Mode). Cette proposition fut initiée en 2005 par le groupement Liège Espace, qui réunit des instituts de l'université et des industriels de la région liégeoise, tous acteurs dans la technologie des systèmes spatiaux.

« Le projet a vraiment pris son essor le 18 septembre 2007, explique le Prof. Jacques Verly, à l'occasion d'une conversation téléphonique décisive où Luc Halbach me proposa de relancer LEODIUM en développant un Cubesat équipé de la nouvelle technologie de radiocommunication numérique D-STAR. De façon à maximiser les chances de succès, il fut envisagé d'installer, d'abord un relais terrestre ("repeater") D-STAR à l'ULg, et ensuite d'exploiter parallèlement cette expérience pour concevoir un relais D-STAR miniaturisé pour une utilisation dans l'espace. »

Une affaire locale de dimension globale

L'équipe qui a fait naître le projet étudiant d'un nano-satellite à l'Université de Liège
L'équipe qui a fait naître le projet étudiant d'un nano-satellite à l'Université de Liège

Luc Halbach, radio-amateur chevronné, précise: « Le protocole D-STAR permet la transmission simultanée de la voix et des données numériques (GPS, fichiers, etc), le routage et le "roaming" au niveau mondial, y compris via internet, et est ouvert à l'expérimentation. A partir de votre voiture à Liège, il vous est possible de contacter un radio-amateur circulant à New-York. » Cette transmission de haute qualité n'est possible que si le radio-amateur est en vue d'un relais D-STAR ou est connecté au web. Dans les zones difficiles d'accès ou isolées à cause d'une catastrophe (inondation, séisme, cyclone, ...), un satellite bon marché relayant les communications numériques peut se révèler d'une utilité cruciale. C'est ce que va démontrer le nano-satellite de l'Université de Liège.

« Alors que le but ultime des CubeSat liégeois est la réalisation d 'expériences spatiales, explique J. Pisane, la charge utile de OUFTI-1 consistera en un relais micro-miniaturisé du système de télécommunications D-STAR, qui doit encore être adapté et testé pour l'espace. A terme, ce système constituera le lien vital entre chaque satellite et ses expériences avec la station de contrôle ULg. L'utilisation des bandes amateurs permettra à la communauté mondiale des radioamateurs du monde entier de nous aider à suivre le fonctionnement d’OUFTI-1, pratiquement, en continu, sur son orbite. En échange, ils auront accès au satellite. »

L'Institut Montéfiore est le premier en Belgique
L'Institut Montéfiore est le premier en Belgique

En quelques mois, le projet liégeois OUFTI-1 a réussi à susciter un réel engouement. Autour du noyau initial, se forme une équipe d'étudiants liégeois. Non seulement de l'Université, mais également de la Haute Ecole HEMES-Gramme (ingénieurs industriels polyvalents), de la Haute Ecole Rennequin Sualem/ISIL (Ingénieurs Industriels de Liège). Les étudiants sont assistés par deux doctorants du « spatial » de l'ULG, Amandine Denis (LTAS) et Jean-François Vandenrijt (CSL/Centre Spatial de Liège). Ils suivent avec intérêt la mission du nano-satellite Compass-1 de 890 grammes. Développé à l'Université des Sciences Appliquées d'Aix-la-Chapelle (FH Aachen), non loin de Liège, il est orbite depuis le 28 avril grâce au lancement réussi de la fusée indienne PSLV C9. Une fois largué dans l'espace, sa balise a émis des signaux qui font penser aux cris d'un oiseau nouveau-né.

Le défi du rendez-vous avec Vega

Pour son premier vol en 2009, le lanceur européen Vega emportera, en plus d'un petit satellite italien de géodésie, une armada européenne de nano-satellites éducatifs. Ils sont neuf « Cubesats » qui viennent d'être sélectionnés par le Département Education de l'ESA: ils seront réalisés par des institutions d'enseignement en Belgique (Liège avec OUFTI-1), Espagne (Vigo et INTA avec Xatcobeo), France (Montpellier avec Robusta), Italie (Rome avec UNIcubesat, Trieste avec AtmoCube, Turin avec e-st@r)), Pologne (Varsovie avec PW-sat), Roumanie (Bucharest avec Goliat), Suisse (Lausanne avec Swisscube). La priorité a été donnée à des groupes d'étudiants qui font leurs débuts dans le développement de systèmes originaux pour l'espace.

« Ma tâche, indique Stefania Galli, a été de faire l'étude détaillée de la mission OUFTI-1 sur base des contraintes d'orbite imposée par l'ESA et des demandes du système D-STAR, en particulier pour ce qui est de la fourniture d'énergie électrique, de la stabilisation (passive) et du déploiement du satellite et de ses antennes. » Le Prof. Gaetan Kerschen d'ajouter: « Outre la conception de la mission et de la charge utile, il faut maintenant passer à la spécification détaillée de la structure du Cubesat, en faire les plans et le construire. Etant donné le planning serré, nous utilisons un maximum d'éléments Cubesat existants. »

C'est de ce site de lancements que doit décoller l'an prochain le premier des lanceurs européens Vega
C'est de ce site de lancements que doit décoller l'an prochain le premier des lanceurs européens Vega

Les Professeurs Kerschen et Verly sont conscients du défi qui attend les étudiants face au plan de travail prévu. Trois mois avant le lancement, c'est-à-dire en mai-juin 2009 d'après le calendrier actuel du programme Vega, il faut livrer à l'ESTEC le modèle de vol pour des tests de compabilité avec le dispositif d'éjection sur orbite. Les neuf nano-satellites doivent partir pour le Centre Spatial Guyanais de Kourou dix semaines avant la date prévue du tir Vega. Pour gagner du temps, la Faculté des Sciences Appliquées de l'ULg a commandé le châssis Cubesat à la California Polytechnic University (San Luis Obispo) où est né le concept du nano-satellite étudiant. La structure ultra-légère d'OUFTI-1 est, depuis plusieurs semaines, au S3L (Space Structures & Systems Laboratory). D'ores et déjà, l'Université de Liège a octroyé un financement de 50.000 euros au projet étudiant OUFTI-1, véritable outil de pédagogie active, qui met en jeu les technologies de demain.

Maintenant, le groupe d’étudiants doit concevoir et développer son habillage intérieur, avec toute l'électronique nécessaire, pour en faire un relais miniaturisé de communications D-STAR. Il doit s'organiser pour la réalisation d’un prototype, les essais - avec l'aide du Centre spatial de Liège (CSL) - des micro-systèmes de bord, la mise en œuvre d’une installation de contrôle au sol. Il va être confronté aux problèmes des vibrations au lancement, de l'alimentation électrique du nano-satellite, de sa stabilisation passive en orbite et du déploiement de ses antennes. Mais l'enthousiasme est au rendez-vous. OUFTI-1 a bel et bien le vent en poupe! Reste à atteindre l'orbite.

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