Q&R OasISS : Fusée blanche, éprouvante poursuite
Le 27 mai, comme prévu, le vaisseau russe Soyouz TMA-15 s’est envolé du complexe n°1 du cosmodrome de Baïkonour et a réussi un arrimage parfait avec l’International Space Station (ISS).
Voici des réponses à des questions qui ont été posées sur la couleur du lanceur au décollage, sur l’épreuve des deux premiers jours du vol, sur le principal défi d’une vie à six dans une oasis, scientifique et technologique, à quelque 350 km autour de la Terre.
Une fois que le Soyouz TMA-15 a réussi à s’arrimer de manière automatique sur le module Zvezda de la station, l’expédition n°20 se trouvait au grand complet avec six personnes – les Américains Gennady Padalka (commandant de bord) et Mike Barratt, le Japonais Koichi Wakata, le Russe Roman Romanenko, le Canadien Robert Thirsk et le Belge Frank De Winne pour l’ESA - pour assurer la permanence humaine dans une enceinte, certes spacieuse mais fermée, qui sert à des travaux de recherche et à des activités de technologie pour la communauté internationale.
Le lancement du Soyouz TMA-15 a donné lieu à un spectacle magnifique. C’est une fusée plutôt blanche qui s’est élancée dans le ciel du Kazakhstan. Or, quand elle a été amenée par rail deux jours auparavant, puis délicatement positionnée à la verticale sur le site de lancements, elle était - à l’exception de la coiffe, avec la tour de sauvetage, qui recouvrait le vaisseau habitable - d’un aspect gris-vert (presque kaki) qui rappelle ses origines militaires. Alors, pourquoi ce changement de teinte ?
Le changement de couleur du lanceur
Non, les techniciens russes n’ont pas mis à profit le temps des derniers préparatifs pour mettre une couche de blanc sur le lanceur Soyouz… Au moment du lancement, des structures de la fusée étaient devenues blanches : il s’agit des parties de la fusée où on a les réservoirs remplis d’oxygène liquide à moins 183 degrés. Sur les surfaces exposées à ce froid extrême, il se forme une pellicule de givre qui donne cette blancheur.
D’ailleurs, là où est stocké le kérozène, le lanceur Soyouz a gardé sa couleur d’origine. Il emploie un mélange kérozène-oxygène liquide, qui sont des ergols écologiquement propres, pour la propulsion de ses quatre fusées d’appoint et de ses deux étages centraux. C’est le fonctionnement successif de ces étages qui permettent d’accélérer le vaisseau habité à la vitesse de près de 28.000 km/h pour sa mise en orbite entre 200 et 242 km d’altitude.
Moins de neuf minutes après le décollage qui fait peu de pollution chimique, les trois occupants du Soyouz TMA-15 étaient dans l’espace, en état d’impesanteur, à la poursuite de la station. Ils ont dû affronter deux journées difficiles. En quoi ce début de leur vol spatial était-il si éprouvant ?
L’épreuve du début de la mission
Les deux premiers jours de la mission OasISS ont été ponctués par de multiples changements d’orbite qui ont rapproché progressivement le vaisseau de la station. Durant ces deux jours de course-poursuite, l’équipage a vécu dans des conditions inconfortables. Le Soyouz TMA, dont la conception remonte aux années 60, est un vaisseau sûr et efficace. Mais, malgré ses multiples modernisations, il reste un engin rustique d’un confort spartiate, où les trois occupants vivent à l’étroit et sont confrontés à des problèmes d’hygiène personnelle.
Il n’y a pas de toilettes dans le « coin séjour » du module sphérique qui est fixé sur l’avant la capsule récupérable et qui est équipé de la pièce mâle et du système radar pour l’accostage. Durant cinquante heures - le temps d’arriver à l’ISS - chaque membre de l’équipage porte un lange en cas de petit besoin urinaire. Pas question de déféquer : tout est mis en œuvre pour éviter cet inconvénient. Avant de revêtir le scaphandre pour l’envol, il est purgé par un lavement des intestins. On comprend dès lors l’empressement de l’équipage pour rejoindre la station, afin de se soulager dans les toilettes qui se trouvent soit dans le module russe, soit dans la partie américaine.
Autre désagrément du séjour dans le petit vaisseau : pour éviter que sa structure, d’un côté, ne soit exposée au soleil et ne s’échauffe trop, il tourne sur lui-même comme un poulet dans une rôtisserie… Ses occupants, qui sont confrontés au mal de l’espace, lié à l’état d’impesanteur, sont très mal à l’aise, en ayant le tournis. Pour éviter cette gêne, ils occultent les fenêtres pour que leur vision ne soit pas perturbée par une surface terrestre qui défile et bascule. Une fois arrivés dans la station, ils ne sont plus soumis à cette épreuve.
La préservation de l’eau à bord
Est-il vrai que les habitants de l’ISS boivent de l’eau qui est extraite de leur urine et de leur respiration? La cohabitation de six personnes pose le problème de leurs ressources en oxygène, en eau et en nourritures, comme le défi de l’élimination du gaz carbonique et de l’humidité à bord. Désireux de réduire la charge et le coût des ravitaillements réguliers, Roscosmos et la NASA ont mis au point des systèmes pour la régénération de l’oxygène, comme pour la récupération de l’humidité sur les parois des modules et pour le recyclage des eaux usées et des urines.
Depuis fin 2008, on a installé dans le module américain le WRS (Water Recovery System) qui se compose d’équipements de traitement de l’urine et de purification de l’eau. Sa mise en œuvre a posé quelques soucis et on a dû procéder à des remplacements de matériels. Le 20 mai, le système était déclaré opérationnel : l’équipage a pu porter un toast avec l’eau extraite de ses urines.
A noter que la société belge Space Applications Services (Zaventem) a aidé l’astronaute Frank De Winne et sa doublure André Kuipers dans leur entraînement pour la planification des tâches dans la station. Elle a fourni l’équipement léger et modulable WEAR++ (Wearable Augmented Reality) qui assiste l’équipage de l’ISS dans l’organisation et l’exécution de ses tâches à bord.