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Elles ont relevé le défi de l’impesanteur

19/05/2005 392 views 0 likes
ESA / Space in Member States / Belgium - Français

ESA PR 24-2005. Après 60 jours d’alitement pour simuler les effets physiologiques de l’impesanteur sur l’organisme, les premières volontaires de l’étude WISE ont commencé à se relever.

Elles témoignent d’une expérience scientifique et humaine exceptionnelle. Une conférence de presse des responsables de l’opération avec la participation de volontaires est prévue le 2 juin.

Elles sont douze femmes, venues de sept pays européens. Depuis mars, elles sont restées couchées dans des lits de la clinique spatiale de MEDES (Institut de Médecine et de Physiologie Spatiales), à Toulouse, pour la plus longue expérience de « bedrest » féminin jamais tentée au sein de la communauté Européenne.

Pendant ces deux mois, elles sont restées allongées avec une inclinaison de 6°, les pieds légèrement surélevés par rapport à la tête. Cette position permet d’induire dans l’organisme des phénomènes similaires à ceux que rencontrent les astronautes lorsqu’ils subissent l’impesanteur pendant de longues durées, c’est-à-dire principalement une perte de masse musculaire et de capacité à l’effort suivie d’une diminution de la masse osseuse. La meilleure compréhension des mécanismes qui régissent cette adaptation de l’organisme aux conditions d’impesanteur sera indispensable au développement de contre-mesures pour les astronautes. Elle trouvera également des applications sur Terre, par exemple pour le traitement des malades nécessitant des hospitalisations de longue durée, et plus généralement, des effets de l’inactivité physique sur la santé.

Des expériences de ce type ont déjà été réalisées, avec notamment deux sessions de trois mois effectuées par des volontaires masculins en 2001 et 2002. Toutefois, avec l’étude WISE (Women International Space simulation for Exploration), c’est la première fois qu’un « bedrest » de longue durée est effectué avec des volontaires féminins en Europe.

Du défi à l’entraide

De la préparation à l’alitement à la réhabilitation après le lever, les douze volontaires auront passé trois mois à la clinique spatiale de MEDES, pour vivre une expérience que toutes qualifient comme « hors du commun ».

Certaines, au tempérament d’aventurières, s’étaient portées volontaires pour relever un nouveau défi, dans une vie qui en a parfois déjà compté plusieurs, comme Marjo, une Finlandaise qui a fait le tour du monde ou Dorotha, une Polonaise très sportive qui habite en Suède et travaille en Irlande après avoir étudié en Italie ! « Cela permet de chercher ses limites », explique Elisabeth, venue d’Allemagne et qui comme la polonaise Beata s’est déjà adonnée aux joies du parachutisme.

Pour d’autres, comme la tchèque Monica, ces trois mois ont plutôt été un moyen de faire une parenthèse dans sa vie, tout en se rendant utile à la communauté. C’est aussi le cas de Laurence, une des cinq Françaises, qui a déjà participé à des expérimentations de médicaments et ne considère pas vraiment cela comme un défi : « j’avais besoin de faire une pause dans ma vie, de changer d’horizon et j’ai découvert beaucoup de choses. C’est aussi un moyen de faire une exploration personnelle, de mieux connaître mes capacités ».

Un sentiment partagé par Delphine, professeur de piano française, qui y voit « un défi personnel, pour connaître mes capacités physiques, mais aussi une expérience nouvelle, la possibilité de rentrer dans le domaine spatial et aussi d’apporter mon aide ».

Les douze femmes ont été impliquées dans les protocoles scientifiques
Les douze femmes ont été impliquées dans les protocoles scientifiques

Les douze femmes ont été impliquées très tôt dans les protocoles scientifiques. Dès qu’elles se sont portées volontaires, elles ont été amplement informées sur les examens qu’elles allaient devoir subir mais aussi sur toutes les retombées scientifiques qui en sont attendues.

« Nous avons eu droit à beaucoup d’informations, beaucoup d’explications », renchérit Marjo. « Nous avons même eu des conférences sur le bedrest. Ici nous nous sentons vraiment impliquées ». Elisabeth confirme : « Au début j’étais comme un petit enfant, je voulais tout savoir et les gens ont été très gentils, ils répondent à toutes nos questions ».

Pour Nadine, française travaillant dans l’intérim, cette approche de transparence complète a fait croître sa curiosité et sa motivation en parallèle : « Je participe à quelque chose de très important sur le plan scientifique et médical mais aussi de la coopération internationale. C’est une expérience à part et j’apporte ma petite pierre à l’édifice ».

Couchées, la tête dans les étoiles

Claudie Haignéré a visité les femmes durant l'étude
Claudie Haignéré a visité les femmes durant l'étude

A mi-parcours, les douze volontaires ont eu droit à la visite d’un hôte de marque : Claudie Haigneré, ministre française des Affaires Européennes mais surtout ancienne astronaute de l’ESA, qui a passé 25 jours dans l’espace en deux missions. C’était aussi l’occasion de rappeler combien les connaissances sur le comportement de la physiologie féminine en impesanteur sont limitées en raison du faible nombre de vols spatiaux. Alors que 48 hommes ont déjà passé plus de six mois dans l’espace (dont 20 plus d’un an et un plus de deux ans), seules trois femmes ont passé ce cap.

L’importance de l’expérience n’échappe pas à Isabelle, une Française qui travaille dans l’agro-alimentaire : « C’est remarquable de penser que ce que nous accomplissons aujourd’hui n’avait encore jamais été réalisé ».

« Nous avons vraiment la sensation de participer au programme spatial », estime Dorotha. « Tout le monde en parle et c’est un aspect que nous gardons présent à l’esprit en permanence. Les scientifiques nous expliquent leurs expériences et nous apprenons beaucoup. En fait c’est un échange véritable car nous participons à leurs travaux ».

« Nous nous sentons très impliquées dans les expérimentations et les examens, nous sommes des membres de l’équipe » ajoute Monica. « D’une certaine manière nous sommes même les personnes les plus importantes de l’équipe et c’est une responsabilité énorme ».

"Un jour des femmes iront sur Mars"
"Un jour des femmes iront sur Mars"

Beata, jeune mère de famille, voit plus loin : « La recherche spatiale, les expéditions sur Mars, c’est réellement quelque chose de fascinant et d’important. Je sais que je n’irai jamais dans l’espace mais au moins je sais que j’aurai fait mon possible pour la recherche, pour les astronautes et pour le futur et cela me rend heureuse de me sentir utile à mon niveau ».

« Un jour des femmes iront sur Mars » expliquent Monica et Laurence, « et de savoir que ce sera un petit peu grâce à nous, ça nous donne la sensation de faire un peu partie de la mission ».

Deux mois vite passés

Toutes les volontaires avouent avoir été surprises par la vitesse à laquelle ces 60 jours sont passés.

« On ne s’ennuie pas, on est trop occupées pour ça », plaisante Marjo.

En effet, entre les examens, les exercices physiques et les entretiens de suivi psychologique, les journées passent vite. « Il y a aussi le fait que nous ne sommes pas autonomes et que le simple fait d’aller à la douche (en position couchée) prend du temps », relèvent Laurence et Nadine.

Pour celles qui ont du temps libre, les occupations ne manquent pas : lecture, télévision, Internet, mais aussi cours d’espagnol, de portugais ou d’informatique. Et surtout, un moment très apprécié par toutes les volontaires : le passage des kinésithérapeutes pour une séance de massage quotidienne.

Les volontaires avouent ne pas trop souffrir de l’absence de visite, car elles sont en contact avec leurs proches tous les jours par téléphone. « Mon compagnon prend son mal en patience » reconnaît l’une d’elles avec un grand sourire. « J’ai mon fils de 4 ans tous les soirs au téléphone. Bien sûr il me manque, mais ce ne sont jamais que trois mois » commente une autre.

Pendant ces deux mois, elles sont restées allongées avec une inclinaison de 6°
Pendant ces deux mois, elles sont restées allongées avec une inclinaison de 6°

Toutes ont été également surprises de ne pas ressentir davantage de mal de dos ou de migraine, voire de fatigue psychologique, ce que confirme l’équipe médicale : il n’y a pas eu plus de céphalées que pour un groupe de femmes qui ne seraient pas alitées.

Les effets de l’impesanteur simulée ne sont pourtant pas absents, comme le constate Elisabeth : « Je me sens bien, mais il m’arrive d’oublier que j’ai des jambes. On ne sent pas la perte de masse musculaire, mais on la voit ».

En deux mois, des amitiés se sont forgées entre les volontaires et les rapports humains avec les équipes médicales et scientifiques se sont aussi considérablement renforcés.

« Ils sont aux petits soins pour nous », reconnaît Isabelle. « L’attention que nous portent les gens c’est quelque chose de très fort. L’écoute des équipes, c’est très important » complète Nadine.

« Le rapport avec le personnel médical et les équipes est très intime. Cela n’a même rien à voir avec le rapport entre un médecin et son patient », estime Delphine. « Ici nous travaillons ensemble, tout est fait pour nous enlever le stress et les inquiétudes, à nous de faire au mieux pour faciliter leur travail ».

A truly enriching experience

When asked what they have got out of the experience, the volunteers claim to be more than satisfied, some even going as far as to say they have changed, and were delighted to find they had learned more about themselves and others.

"You discover all kinds of things about yourself. It's amazing how easily both your body and mind adapt", notes Laurence. According to Dorotha, "It's a truly enriching experience. I've learned so much about myself and have met lots of really interesting people".

Beata summarises her experience as follows: "It has really enabled me to have a much broader worldview, I really have learned so much. I now have a better understanding of why we go into space, what we do there and how there's really nothing routine and straightforward about it."

Une expérience humaine

Lorsqu’on leur demande de dresser le bilan personnel de leur expérience, les volontaires s’avouent très satisfaites et certaines se sentent même changées, heureuses d’en avoir appris plus sur elles-mêmes et sur les autres.

« On découvre des choses sur soi. C’est incroyable comme on s’adapte facilement, aussi bien le corps que le mental», note Laurence. Pour Dorotha, « c’est une grande expérience très enrichissante, j’ai beaucoup appris sur moi et j’ai fait beaucoup de rencontres très intéressantes ».

« Cela a élargi ma vision du monde, j’ai beaucoup appris », résume Beata. « Aujourd’hui je comprends mieux pourquoi nous allons dans l’espace, ce que nous y faisons et pourquoi cela n’a rien de facile ».

« J’ai acquis une plus grande maîtrise, j’ai appris à mieux me connaître. Le bedrest c’est très introspectif », reconnaît Delphine, avant de conclure : « Lorsque je suis arrivée, je pensais d’abord au personnel de la clinique et à ses recherches, puis cela s’est élargi au programme spatial et à toute l’humanité. Isolées du monde, mais au service du monde, c’est une véritable école de tolérance et d’ouverture ».

Quant à savoir si elles seraient prêtes pour un mois de plus, c’est Dorotha qui résume le mieux le sentiment général : « je pense que j’aurais pu le faire, mais maintenant que je sais que je vais me lever bientôt, j’ai envie de marcher, même si je sais que ça ne sera pas facile tout de suite ».

Toutes se rejoignent aussi pour encourager les volontaires de la seconde session, prévue à l’automne : « Si vous êtes en bonne santé et que vous avez l’esprit ouvert, si vous savez faire preuve de patience, si vous voulez aider pour le futur, pour nos enfants, pour l’exploration spatiale, alors tentez l’expérience ! »

Premiers résultats

A l’issue de cette première session de l’étude WISE, une conférence de presse sera organisée le 2 juin à la clinique spatiale du MEDES, au CHU de Rangueil, à Toulouse.

Des volontaires témoigneront de leur vécu. Des responsables de l’ESA, du Centre National D’Etudes Spatiales (CNES) et de MEDES, qui mènent cette étude conjointement avec la NASA américaine et l’Agence Spatiale Canadienne (ASC), présenteront les premiers éléments de résultats obtenus lors de cette session ainsi que des informations sur la préparation de la seconde session prévue à l’automne (voir programme ci-joint).

Les représentants de la presse qui souhaiteraient assister à cette conférence de presse sont priés de s’inscrire à l’aide du formulaire ci-joint.

Pour tout complément d’information, veuillez contacter :

Franco Bonacina ESA, Division des Relations avec les médias
Tel : +33(0)1.53.69.7155
Fax : +33(0)1.53.69.7690

Dieter Isakeit
Direction Vols Habités, Microgravité et Exploration
Tel : +31(0)71.565.5451
Fax : +31(0)71.5658008

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