Deux jours à Toulouse avec les Français de la Promotion 2022 des astronautes de l’ESA
Début avril, les cinq astronautes de carrière recrutés par l’ESA au sein de la Promotion 2022 commenceront leur entrainement au Centre européen des astronautes situé à Cologne, en Allemagne. La française Sophie Adenot, pilote d’essais d’hélicoptères au sein de l’armée de l’Air et de l’Espace, fait partie de ces heureux sélectionnés, et elle a délaissé ses cockpits le temps de deux journées à Toulouse, les 9 et 10 mars, au cœur du secteur spatial français.
Le vol habité étant indiscutablement un travail d’équipe, Sophie était accompagnée de Claudie Haigneré, ancienne ministre et première astronaute française, de Didier Schmitt, chef de la stratégie et de coordination des vols habités de l’ESA, et d’Arnaud Prost, ingénieur d’essais à DGA Essais en vol et sélectionné en 2022 dans la réserve des astronautes de l’ESA.
Ils ont tous ensemble porté des messages inspirants, que ce soit auprès de collégiens et de lycéens des programmes OSE l’ISAE-Supaéro et Space Elevator, d’étudiants de l’école ISAE-Supaéro, des personnels du CNES, ou du grand public à la Cité de l’espace.
Transmission et inspiration
Pour ces interventions, le choix avait été fait de laisser la part belle aux questions posées par les différents publics, auxquelles tous ont répondu avec franchise et parfois beaucoup d’humour.
Interrogée à plusieurs reprises sur la difficulté d’être une femme qui travaille dans des milieux très masculins, Sophie Adenot a répondu que pour elle c’est une question qu’il ne faut pas se poser. Peu importe si aucune femme ne l’a encore fait, comme elle l’a prouvé en devenant la première femme pilote d’essais d’hélicoptères, il est toujours possible d’ouvrir de nouvelles voies. Et en l’occurrence, dans le domaine spatial, Sophie Adenot rappelle en plaisantant qu’elle n’est pas une pionnière ! Même message de la part de Claudie Haigneré qui explique qu’elle n'a pris conscience qu’elle était la seule femme parmi sa sélection en 1985 qu’au moment de l’annonce finale.
Du côté des qualités à développer, Arnaud Prost note qu’elles correspondent au nom de rovers présents à la surface de la planète Mars : l'esprit d'équipe, la capacité à saisir les opportunités, la curiosité et la persévérance. Les astronautes de la Promotion 2009 leur ont également conseillé de cultiver la patience, une suggestion qu’approuve Claudie Haigneré qui rappelle que onze années se sont écoulées entre sa sélection et sa première mission !
Pour Didier Schmitt, la qualité indispensable, c’est de savoir prendre la bonne décision au bon moment, et pour cela, il faut se préparer, longuement, à affronter toutes les situations qui ne sont pas nominales. Passionné de plongée, Arnaud Prost fait le rapprochement entre la plongée profonde et l’espace ; dans ces environnements extrêmes dont il est impossible de s’extraire rapidement, il faut être dans une logique d’anticipation afin de garder la tête froide.
Sophie Adenot et Arnaud Prost ont également mis l’accent sur la capacité à travailler en équipe, notamment développée au sein de l’armée de l’Air et de l’Espace et de la DGA, et salué l’esprit de corps des astronautes européens et des participants à la sélection. Au fil des phases de sélection, tous deux ont noués des liens d’amitié avec d’autres candidats qui tentaient leur chance pour devenir astronaute, et loin d’une logique de compétition, ils se sont entrainés mutuellement. Nous étions en compétition avec nous-mêmes, pour donner le meilleur de nous, et non avec les autres, ont-ils expliqué.
Enfin, ils ont rappelé que les profils retenus par l’ESA sont des profils qui se reposent beaucoup sur le travail. Sophie Adenot en a profité pour préciser qu’elle sera en formation pendant les douze mois à venir, avec des évaluations régulières de ses apprentissages, une situation pas si différente de celle des élèves présents dans les amphithéâtres de l’école ISAE-Supaéro !
De l’orbite terrestre basse à la planète Mars
Ces deux journées n’ont pas fait briller que les yeux du public venu les écouter ; la visite du Centre spatial toulousain du CNES et des salles blanches d’Airbus Defence and Space ont mis des étoiles dans les yeux notamment de Sophie Adenot et Arnaud Prost.
Après un accueil par Lionel Suchet, directeur général délégué du CNES, la délégation de l’ESA a fait la connaissance de différentes équipes de l’agence spatiale française.
La visite a commencé du côté des vols habités, par une présentation du rack de physiologie EPM, qui se trouve à bord de laboratoire européen Columbus de la Station spatiale internationale, et de l’équipement d’échographie à distance Echofinder. Présentation également du MEDES, la clinique spatiale toulousaine, impliquée à la fois dans le recrutement des astronautes de l’ESA et la recherche spatiale, et découverte de la salle de contrôle du Centre d’Aide au Développement des Activités en Micropesanteur et des Opérations Spatiales (CADMOS) qui prépare, organise et assure le suivi des expériences françaises qui sont menées en micropesanteur.
Pour le domaine de l’observation de la Terre, crucial pour atténuer les effets du changement climatique, visite la salle de contrôle principale de SWOT, lancé en décembre 2022, le dernier né d’un programme franco-américain d’altimétrie satellitaire dont la mission est d’étudier les étendues d’eau présentes à la surface de la Terre.
Direction le système martien enfin avec le Centre d’opérations des instruments français (FIMOC) des rovers de la NASA et du sismomètre SEIS/Insight, le terrain martien où évolue en toute autonomie Artemis, un rover de test de la mission Exomars de l’ESA, et enfin des démonstrations de rétablissement après atterrissage du mini-rover MMX (issu d’une collaboration entre l’agence spatiale allemande DLR et le CNES) qui doit accompagner une mission de l’agence spatiale japonaise JAXA à destination de Phobos, l’une des lunes de Mars.
L’écosystème spatial toulousain
Retour aux sources ensuite pour Sophie Adenot et Arnaud Prost, qui ont tous deux effectué une partie de leurs études supérieures à l’école ISAE-Supaéro, tout comme l’astronaute de l’ESA Thomas Pesquet avant eux.
Accueillis par Olivier Lesbre, directeur général de l’ISAE-Supaéro, ils ont été invités à découvrir l’Aérothèque, un nouveau bâtiment qui rassemble espaces de travail et bibliothèque pour les étudiants, ainsi que l’Innovspace FabLab, où les étudiants travaillent sur des projets potentiellement amenés à évoluer en startup.
Pour terminer cette première journée, accueil à la Cité de l’espace par son directeur général Jean-Baptiste Desbois, puis visite des nouveautés du premier site touristique spatial européen, dont Claudie Haigneré est la marraine depuis plus de 20 ans et que Sophie Adenot connait très bien. La Cité de l’espace est par ailleurs un partenaire privilégié et historique de l’ESA, en particulier pour les vols habités et les missions de Thomas Pesquet.
Construire des satellites performants au service des citoyens
La délégation de l’ESA était reçue le lendemain chez Airbus Defence and Space par Alain Frizon, directeur du site toulousain, et Xavier Karst, directeur de la production des satellites en France, pour une visite des salles blanches. Premier arrêt auprès de l’instrument TELEO, un démonstrateur de communications optiques laser ; celui-ci sera embarqué sur le satellite de télécommunications BADR-8 dont le lancement est prévu dans quelques mois.
Présentation ensuite de Biomass, le 7e satellite du programme Explorateurs de la Terre de l’ESA dont le lancement est prévu en 2024. La mission Biomass étudiera l’une des composantes fondamentales du système Terre, l’état et la dynamique des forêts tropicales. Les données récoltées lors de cette mission permettront d’estimer la quantité de dioxyde de carbone piégée dans la forêt tropicale, ou libérée lors de la déforestation d’une zone, des informations essentielles dans le cadre de la gestion du changement climatique.
Découverte enfin des moyens d’essais, avec notamment un imageur micro-ondes MWI, développé pour les satellites météorologiques européens MetOp-SG et prêt à débuter ses essais thermiques dans l’immense chambre à vide, et d’immenses ballons à l’hélium permettant de simuler l’impesanteur lors, par exemple, d’un test de déploiement d’une antenne.
Enfin, la délégation a également assisté à une présentation de l’exercice interarmées AsterX 2023 ; celui-ci visait notamment à entraîner les unités du Commandement de l’espace à la surveillance de l’espace et à la protection des moyens spatiaux nationaux.
Bilan très positif de ces deux journées pour les recrues de la Promotion 2022 des astronautes de l’ESA… « J’ai fait le plein d’énergie à Toulouse, première ville spatiale française, avant mon départ pour le centre d'entrainement de l’ESA ! » conclut la candidate astronaute Sophie Adenot sur Twitter.