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Hubble observation of Comet ATLAS on 23 April 2020
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Solar Orbiter va traverser les queues de la comète ATLAS

30/05/2020 55 views 1 likes
ESA / Space in Member States / Luxembourg

La mission Solar Orbiter de l’ESA va traverser les queues de la comète ATLAS pendant les prochains jours. La sonde, récemment lancée, n’était pas encore supposée récolter des données scientifiques, mais les experts de la mission ont œuvré pour que quatre des instruments les plus pertinents soient allumés pendant cette rencontre unique.

Solar Orbiter a été lancé le 10 février 2020. Depuis, et à l’exception d’un bref arrêt dû à l’épidémie de coronavirus, les scientifiques et les ingénieurs sont dans la phase de « recette en vol », qui consiste en une série de tests et de séquences de configuration.

Solar Orbiter face au Soleil (vue d'artiste)
Solar Orbiter face au Soleil (vue d'artiste)

La fin de cette phase était fixée au 15 juin afin que la sonde soit pleinement opérationnelle pour son premier passage près du Soleil, ou périhélie, à la mi-juin. La découverte de la rencontre fortuite avec la comète a accéléré les choses. 

Il est rare pour une mission spatiale de voler par hasard à travers la queue d’une comète ; les scientifiques savent que c’est arrivé seulement six fois auparavant lors de missions qui n’étudiaient pas spécifiquement une comète. Toutes ces rencontres ont été découvertes après coup en examinant les données de la mission. La traversée à venir de Solar Orbiter est la première à avoir été prédite. 

Fort de vingt ans d’expérience dans l’étude de telles rencontres, Geraint Jones, du Laboratoire de science spatiale UCL Mullard (Royaume-Uni), a prévenu l’ESA plus tôt ce mois-ci, lorsqu’il a réalisé que Solar Orbiter allait prochainement se trouver dans le sillage de la comète, à 44 millions de kilomètres de celle-ci.

Bonus scientifique

Les instruments de Solar Orbiter
Les instruments de Solar Orbiter

Solar Orbiter est doté de dix instruments in situ et de télédétection différents afin de pouvoir observer le Soleil ainsi que le vent solaire, le flux de particules chargées qu’il libère dans l’espace. Les quatre instruments sont de manière fortuite parfaits pour détecter les queues de la comète puisqu’ils mesurent les conditions autour de la sonde ; ils pourraient ainsi collecter des données sur les grains de poussière et les particules chargées électriquement émis par la comète. Ces émissions forment les deux queues de la comète : la queue de poussière laissée dans son sillage sur son orbite, et la queue d’ions qui pointe dans la direction directement opposée au Soleil.

Anatomie d'une comète
Anatomie d'une comète

Solar Orbiter va traverser la queue d’ions de la comète ATLAS autour du 31 mai – 1er juin, et la queue de poussière le 6 juin. Si la queue d’ions est suffisamment dense, le magnétomètre de Solar Orbiter (MAG) pourrait détecter la variation du champ magnétique interplanétaire due à son interaction avec les ions de la queue de la comète, et l’analyseur de vent solaire (SWA) pourrait capturer directement des particules de la queue. 

Quand Solar Orbiter traversera la queue de poussière, suivant sa densité - très difficile à prédire -, il est possible qu’un ou plusieurs grains de poussière frappent la sonde à des vitesses de l’ordre de plusieurs dizaines de kilomètres par seconde. Ces impacts ne posent pas de risque significatif pour la sonde, mais les grains de poussière eux-mêmes seront vaporisés à l’impact et formeront de minuscules nuages de gaz ionisé, ou plasma, qui pourraient être détectés par l’instrument RPW (Radio and Plasma Waves). 

« Une rencontre inattendue comme celle-ci procure des opportunités uniques et pose des défis, mais c’est une bonne chose ! Une occasion comme celle-ci fait partie de l’aventure scientifique, » déclare Günther Hasinger, Directeur du programme scientifique de l’ESA.

S’attendre à l’inattendu

Hubble observe la fragmentation de la comète ATLAS en avril 2020
Hubble observe la fragmentation de la comète ATLAS en avril 2020

La comète ATLAS a été découverte le 28 décembre 2019. Elle est devenue si brillante dans les mois qui ont suivi que les astronomes imaginaient qu’elle pourrait devenir visible à l’œil nu au mois de mai.

La comète s’est malheureusement fragmentée début avril et sa luminosité a baissé significativement en retour, privant les observateurs du ciel de cette perspective. Une seconde fragmentation mi-mai a encore réduit la comète, ce qui la rend moins susceptible d’être détectée par Solar Orbiter. 

Mais même si les chances de détection sont réduites, Geraint Jones estime que l’effort vaut toujours la peine d’être fait. 

« Chaque rencontre avec une comète nous en apprend plus sur ces objets intrigants. Si Solar Orbiter détecte la présence de la comète ATLAS, alors nous en apprendrons plus sur la manière dont les comètes interagissent avec le vent solaire, et nous pourrons vérifier, par exemple, si nos modèles de comportement de la queue de poussière sont justes » explique-t-il. « Toutes les missions qui croisent des comètes apportent des pièces au puzzle. » 

Geraint Jones est l’investigateur principal de la future mission d’interception d’une comète de l’ESA, composée de trois engins spatiaux, et dont le lancement est prévu pour 2028. Elle effectuera un survol beaucoup plus rapproché d’une comète qui sera sélectionnée peu avant le lancement (ou même après) parmi les comètes nouvellement découvertes.

Raser le Soleil

Le voyage de Solar Orbiter autour du Soleil
Le voyage de Solar Orbiter autour du Soleil

Solar Orbiter est actuellement en orbite autour de notre étoile entre les orbites de Vénus et de Mercure, et son premier périhélie est prévu le 15 juin, à environ 77 millions de kilomètres du Soleil. La sonde se rapprochera beaucoup plus près dans les années à venir, à l’intérieur de l’orbite de Mercure, à environ 42 millions de kilomètres de la surface du Soleil. Pendant ce temps, la comète ATLAS s’y trouve déjà et approche de son périhélie, prévu le 31 mai à environ 37 millions de kilomètres du Soleil. 

« Cette traversée de la queue est enthousiasmante également parce que c’est la première fois qu’elle se produira aussi près du Soleil, alors que le noyau de la comète est à l’intérieur de l’orbite de Mercure, » explique Yannis Zouganelis, scientifique adjoint sur le projet Solar Orbiter de l’ESA. 

« Les comètes proches du Soleil, comme la comète ATLAS, sont sources de poussière dans l’héliosphère interne ; cette étude ne nous aidera donc pas seulement à comprendre la comète, mais également la poussière qui se trouve dans l’environnement de notre étoile, » ajoute Yannis Zouganelis. 

Il est certain qu’étudier un objet glacé plutôt que le Soleil brûlant est une manière passionnante – et inattendue – pour Solar Orbiter de commencer sa mission scientifique, mais c’est la nature de la science. 

« Les découvertes scientifiques sont faites d’un mélange de planification soignée et de heureux hasards. Trois mois après son lancement, l’équipe de Solar Orbiter a déjà prouvé qu’elle était prête pour les deux, » conclut Daniel Müller, scientifique sur le projet Solar Orbiter de l'ESA.

 

Téléchargez la brochure Solar Orbiter (en français) pour plus d'informations sur la mission.