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Arbre tropical à large tronc
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L'ESA teste de nouvelles méthodes pour cartographier la forêt tropicale depuis l'espace

21/08/2009 1474 views 0 likes
ESA / Space in Member States / Belgium - Français

Les forêts tropicales humides jouent un rôle essentiel dans le cycle carbone, absorbant le carbone contenu dans l’atmosphère et le stockant dans sa biomasse. Toutefois, cartographier ce stock de carbone, depuis l’espace, représente un énorme défi technique. Une campagne de survol aérien, mené en Guyane française, montre que l’instrumentation radar peut être une solution.

Afin d’améliorer notre compréhension du cycle carbone, des estimations plus précises de la biomasse de la forêt, qui représente une approximation du carbone stocké, sont nécessaires. Les forêts tropicales jouent un rôle important sur le carbone terrestre en absorbant une énorme part du carbone présent dans l’atmosphère à travers la photosynthèse et en l’isolant dans sa biomasse. Mais ces régions tropicales souffrent d’une déforestation massive, qui provoque un reflux du carbone dans l’atmosphère

La biomasse des forêts tropicales et sa répartition à travers le monde sont aujourd’hui encore peu connues. Alors que les régions tropicales sont souvent nuageuses et donc à ces moments là rendues inaccessibles aux détecteurs optiques, il est difficile d’évaluer ces stocks de carbone depuis l’espace. Par ailleurs, les forêts sont d’une grande complexité en raison de leur structure, et la largeur du tronc des arbres et la densité de la canopée rend difficile la mise au point de cartes de biomasse depuis des images satellites.

BIOMASS : Une coopération ESA / CNES / ONERA

Une image radar du site test Tropisar
Une image radar du site test Tropisar

La meilleure manière de cartographier la biomasse de la forêt tropicale depuis l’espace en utilisant un radar est de s’appuyer sur la campagne de survol Tropisar. Cette campagne est actuellement menée, en collaboration avec le CNES, en Guyane française. Grâce aux réponses qu’elle apporte à cette question cruciale, cette campagne répond à l’un des objectifs clés de la mission d’exploration de la terre, candidate auprès de l’ESA : la mission BIOMASS.

Le principal objectif de la mission Biomass est de fournir des estimations générales de la biomasse de la forêt, de sa répartition et de ses changements à travers le temps. De cette manière, la mission doit améliorer grandement notre connaissance du carbone stocké dans les forêts, et mieux quantifié les flux de carbone vers et depuis l’atmosphère vers la terre. Pour atteindre cet objectif, la mission, si elle est retenue, devrait exploiter le radar à la plus grande longueur d’onde qui existe pour l’observation de la terre – P-Band et sa sensibilité unique à la biomasse de la forêt.

Le jet Mystere-20 transportant l'instrument radar Sethi
Le jet Mystere-20 transportant l'instrument radar Sethi

Un système radar aérien appelé Sethi est au cœur de la campagne Tropisar. Mis au point et piloté par l’Office nationale d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), le radar vole à bord d’un jet Mystere-20. Comme l’explique Pascale Dubois-Fernandez, qui dirige la campagne pour l’ONERA : « Nous utilisons notre instrument Sethi durant cette campagne pour acquérir des images radar au dessus de la forêt tropicale humide. Ces images ont la même caractéristique que celles obtenues par les détecteurs radars proposé pour le satellite candidat Biomass et elles fournissent un premier aperçu du potentiel de cette mission dans les régions tropicales. »

Olivier Rual du Plessis, également de l’ONERA et responsable du développement de Sethi, ajoute : « cette campagne est un travail difficile et mon équipe opère dans des conditions très dures. Installé les appareils de calibrage pour Sethi à l’extérieur dans l’humidité et la chaleur, sans parler des moustiques, est un vrai challenge ».

Suivant chaque vol au dessus de la forêt, le traitement d’approximativement 500 gigabytes de données d’images radars démarre au sol. La première tâche est de contrôler la qualité des données, ce qui crucial pour le succès des vols, mais aussi pour commencer à interpréter ce que le radar ‘voit’ du sol

L'équipe de l'ONERA manoeuvrant Sethi
L'équipe de l'ONERA manoeuvrant Sethi

Thuy Le Toan, du Centre d’études spatiales de la biosphère (Cesbio) et membre du groupe de direction de la mission Biomass de l’ESA, commente : « Pour mieux estimer la biomasse globale de la forêt et les stocks de carbone associés avec la mission Biomass, nous aurons besoin de transformer les images bruts du radar en carte de la biomasse de la forêt actuelle. La campagne Tropisar fournit une série de données unique qui va nous permettre de rechercher et éventuellement d’identifier les meilleures méthodes d’y parvenir pour les forêts tropicales. »

« La Guyane française représente un site idéal pour une telle mission »

forêt tropicale
forêt tropicale

Parfois mis de côté, mais essentielles pour la réussite des opérations, les mesures prises depuis le sol. Celles-ci servent à interpréter les images radar et à évaluer les méthodes pour réaliser des cartes des propriétés de la forêt grâce aux radars. Les mesures de la biomasse s’avèrent particulièrement difficiles en forêt tropicale du fait de l’important, voire ahurissante, diversité des arbres et de leur structure. A cela s’ajoute la difficulté d’accéder à des forêts denses et de travailler dans un climat chaud et humide.

Jérôme Chave, un membre d’Ecologie des forêts de Guyane et expert en estimation de la biomasse de la forêt tropicale, précise : « la Guyane française représente un site idéal pour une telle mission car nous pouvons poursuivre nos efforts sur le long terme dans cette région pour mesurer les propriétés de la forêt avec l’aide des nombreuses organisations présentes sur place. »

Un instrument de calibrage près de l'aéroport de Cayenne-Rochambeau
Un instrument de calibrage près de l'aéroport de Cayenne-Rochambeau

Au total, environ 3,5 millions de gigabyte de données radar devraient avoir été collectées durant la campagne. Le dernier vol de Tropisar est prévu au 1er septembre. Après cela, les données seront traitées par les experts de l’ONERA et analysées par l’équipe de Tropisar.

« Si tout se passe bien », ajoute Malcolm Davidson, chef de la campagne pour l’ESA, « les premiers résultats de la campagne devraient être présentés à l’ESA d’ici la fin de l’année et utilisés pour améliorer le travail qui est mené en parallèle par l’industrie européenne, dans la cadre de la mission Biomass. »

BIOMASS est l’une des trois candidates aux missions d’exploration de la terre qui ont été sélectionnées cette année pour des études de faisabilité. Des activités de campagne sont aussi programmées pour la mission CoReH20, dont l’objectif est d’observer la neige et la glace pour une meilleure compréhension du cycle de l’eau, et la mission PREMIER, qui a pour but l’observation de la composition atmosphérique pour une meilleure compréhension des interactions entre la chimie et le climat. L’éventuelle sélection de l’une de ces trois missions candidates conduira au lancement de la septième mission d’exploration de la terre de l’ESA.

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