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Un an d’astronomie gamma avec Integral

07/11/2003 614 views 1 likes
ESA / Space in Member States / France

Un an après son lancement, le 17 octobre 2002, l'observatoire Integral de l'Agence spatiale européenne poursuit sa mission d'observation des rayonnements de très haute énergie, révélateurs de certains des objets et des événements les plus violents de l'Univers.

Les astronomes français qui partagent la responsabilité de ses principaux instruments dressent un premier bilan très prometteur.

L'astronomie des rayonnements gamma est une tâche de longue haleine. Ceci est dû à l'impossibilité technique de concentrer les rayonnements dont l'énergie dépasse une dizaine ou quelques dizaines de kilo électron-Volt (keV) à l'instar de ce que permettent les miroirs des télescopes avec les rayonnements de plus faible énergie. Les résultats ne s'accumulent donc qu'avec des temps d'expositions très longs. Cette première année d'exploitation a néanmoins permis de démontrer la très grande qualité et l'impressionnante sensibilité des instruments d'Integral.

"Nous mesurons des flux extrêmement faibles qui nécessitent des temps d'exposition très longs", prévient Jean-Pierre Roques du Centre d'Etude Spatiale des Rayonnements (CESR) à Toulouse, co-responsable du spectromètre SPI d'Integral. "Sur les satellites précédents, les premiers résultats ont été disponibles au bout de 5 ans, avec Integral nous avons déjà démontré un potentiel énorme pour répondre aux questions en suspens".

D'où viennent ces positrons?

Répartition du rayonnement à 511 keV dans la Galaxie
Répartition du rayonnement à 511 keV dans la Galaxie

La grande sensibilité du spectromètre SPI et son excellente résolution en termes d'énergie ont ainsi donné de très bons résultats dans l'observation du rayonnement à 511 keV en provenance de notre Galaxie. Celui-ci est la signature de l'annihilation d'électrons avec des positrons (anti-électrons, c-à-d. les pendants des électrons dans l'anti-matière). L'origine de ces positrons reste sujette à caution et différents modèles ont été proposés. Les observations détaillées qui seront fournies par Integral devraient les départager.

"Nos résultats sont encore relativement préliminaires, rappelle Jean-Pierre Roques. Nous avons déjà exploité deux millions de secondes d'observation sur ce thème à ce jour et cela ne représente qu'un tiers des données dont nous disposons pour cette année".

Néanmoins, les observations réalisées ont déjà permis de déterminer que la source de ces émissions n'était pas ponctuelle mais semble concentrée dans une bulle de 8 degrés autour du centre de la Galaxie. "Il nous faut maintenant trouver une distribution de sources compatibles dans cet espace", explique Jean-Pierre Roques.

Traque à la nucléosynthèse explosive

Les concentrations en <sup>26</sup>Al détaillées par SPI dans la constellation du Cygne et dans la région du centre galactique sont indiquées sur la carte du rayonnement à 1809 keV dressée par Comptel de 1991 à 2000
Les concentrations en 26Al détaillées par SPI dans la constellation du Cygne et dans la région du centre galactique sont indiquées sur la carte du rayonnement à 1809 keV dressée par Comptel de 1991 à 2000

Les résultats de SPI sont aussi très attendus pour l'étude de la nucléosynthèse explosive, seule capable de générer, lors d'événements violents comme les supernovae, certains noyaux atomiques, notamment les plus lourds qui ne peuvent être créés par la simple fusion dans le coeur des étoiles. L'instrument américain Comptel, à bord du satellite américain Compton, a effectué des mesures sur la concentration en 26Al, un isotope radioactif de l'aluminium dont la demi-vie atteint 700 000 ans ce qui lui permet d'être repérable longtemps après l'événement qui lui a donné naissance. SPI effectue des mesures de sa raie d'émission à 1 809 keV avec une bien plus grande précision, ce qui permettra d'en déduire les conditions dans lesquelles ces noyaux ont été produits. "Il faudra encore attendre d'avoir accumulé un plus grand nombre de photons pour pouvoir commencer à discerner des morphologies et dresser des cartes précises", annonce Jean-Pierre Roques.

Des disques incandescents

Cygnus X-1, à 10 000 années lumière de la Terre, exemple typique de binaire dont un des membres est un objet compact, en l'occurrence un trou noir
Cygnus X-1, à 10 000 années lumière de la Terre, exemple typique de binaire dont un des membres est un objet compact, en l'occurrence un trou noir

Ces sources sont pour l'essentiel constituées par des systèmes binaires composés d'un astre effondré (étoile à neutrons ou trou noir) arrachant de la matière à son compagnon, en général une étoile d'une masse comparable à celle du Soleil mais quelquefois beaucoup plus grosse. Cette matière suit une trajectoire en spirale qui l'amène à former un disque d'accrétion autour de l'astre compact. Les collisions à très grandes vitesses qui se produisent au cours de ce phénomène portent la matière à des températures de plusieurs dizaines de millions de degrés ce qui induit l'émission de photons dans les bandes X et gamma.

"En à peine un an nous avons détecté plus d'une centaine de sources alors qu'avec le télescope français Sigma sur le satellite soviétique Granat nous n'avions trouvé qu'une trentaine de sources en 7 ans", s'exclame François Lebrun du Service d'Astrophysique du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA) à Saclay, co-responsable l'imageur IBIS d'Integral et responsable de son élément majeur, la caméra ISGRI.

L'étude du spectre d'énergie permet d'estimer la température du disque d'accrétion et l'intensité de ces sources nous renseigne sur la quantité de matière transférée, la masse et le rayon de l'astre compact. Toutefois, certaines sources ont été repérées avec des énergies trop élevées pour le modèle théorique standard dit de "Comptonisation" et pourraient correspondre à un autre modèle faisant appel à la relativité générale et à un mouvement d'ensemble – et non plus aléatoire – des électrons dans le disque de plasma. Les mesures réalisées dans les prochaines années sur les sources les plus brillantes permettront de trancher... ou d'affiner les modèles.

Une nouvelle classe d'objets

Plusieurs sources ponctuelles, dont IGR J16318-4848, vue par IBIS
Plusieurs sources ponctuelles, dont IGR J16318-4848, vue par IBIS

Avec une centaine de sources repérées par Integral dans notre Galaxie nous disposons de données statistiques plus significatives sur la population des astres effondrés en systèmes binaires, mais cette moisson n'a pas été exempte de surprises. Normalement, toutes ces sources gamma devraient avoir été repérées à d'autres longueurs d'onde - pour lesquelles on dispose d'instruments plus sensibles – et en particulier dans les rayons X grâce à la cartographie complète du ciel réalisée par le satellite allemand ROSAT.

Or, parmi les sources vues par Integral, certaines étaient inédites. Dans le cas le plus général, cette absence de détection par les satellites X est probablement liée à la variabilité extrême de ces sources, certaines d'entre elles se trouvant, lors de l'observation X, dans un état d'émission trop faible pour être détecté. Les observatoires X actuels, tels XMM/Newton, sont beaucoup plus sensibles et devraient pouvoir les détecter même dans un état d'émission faible. Des observations en X des sources révélées en gamma par Integral ont donc été entreprises.

La grosse surprise est venue de la source IGR J16318-4848, dans la constellation du Sagittaire. "Elle avait échappé à ROSAT en raison de son spectre très étrange", note François Lebrun. "Elle n'émet rien en dessous de 5 keV. Il s'agit en fait d'une source presque purement gamma". Ce phénomène inédit est probablement dû à une absorption des rayonnements de plus faible énergie par un cocon absorbant autour du système binaire, à moins que la source ne soit vue à travers l'atmosphère de son étoile compagnon.

L'exploration en X des sources "Integral" se poursuit et il est probable que d'autres sources "cachées" soient repérées. Si c'était le cas, Integral aurait alors mis au jour une nouvelle classe d'objets astronomiques.

Percer le secret du noyau galactique

Le centre galactique vu par la caméra ISCRI dans le spectre de 40 à 60 keV
Le centre galactique vu par la caméra ISCRI dans le spectre de 40 à 60 keV

Le suspense demeure aussi pour une des cibles principales d'Integral : le trou noir supermassif dissimulé au coeur de notre Galaxie et communément désigné sous le nom de Sagittarius A*. "Nous avons scruté la zone pendant 7 ans avec le télescope Sigma de Granat en essayant de repérer la trace d'un disque d'accrétion autour de ce corps de près de 3 millions de masses solaires, en vain", rappelle François Lebrun. "Cela a néanmoins permis d'écarter de nombreux modèles théoriques". En revanche, les observatoires X Chandra et /Newton ont détecté des sursauts d'activité de Sagittarius A*. Au printemps dernier, Integral repérait à son tour une source gamma faible émettant au moins jusqu'à 100 keV.

Le centre galactique vu par le spectromètre IBIS dans le spectre de 40 à 100 keV
Le centre galactique vu par le spectromètre IBIS dans le spectre de 40 à 100 keV

"La résolution angulaire d'IBIS est très bonne, mais elle est insuffisante pour confirmer que nous avons fait mouche. Il n'est pas possible aujourd'hui d'exclure que d'autres sources X proches soient à l'origine de l'émission observée par Integral. Mais, si cette source était vraiment Sagittarius A *, ce serait la première détection dans ce domaine d'énergie et cela permettrait de mieux comprendre la nature de cet objet bien énigmatique. Seules des observations corrélées de variabilité en X et en gamma permettraient d'affirmer qu'il s'agit bien de la même source et nous travaillons en ce sens". Autant dire que les observations vont se poursuivre avec beaucoup d'intérêt dans les années qui viennent.

Encore des années d'observations

"Le satellite se comporte impeccablement et nous atteignons un taux d'utilisation scientifique de 90%, ce qui est exceptionnel" se félicite Christoph Winkler de l'ESTEC, directeur scientifique de la mission. En fait, le satellite en lui-même dépasse les espérances des scientifiques avec des performances supérieures aux spécifications, notamment en termes de précision de pointage. Prévu pour durer au moins 5 ans, il devrait être à même de fonctionner 10 ans, un bonus non négligeable pour la communauté scientifique, avide de temps d'exposition les plus longs possibles.

Les demandes d'utilisation ne tarissent pas. "Nous venons de boucler le deuxième round de propositions d'observation", annonce Christoph Winkler. "Le programme de notre deuxième année est bouclé, avec deux fois plus de cibles répertoriées que nous ne pourrons en observer, ce qui nous garantit une grande souplesse d'utilisation."

Les propositions soumises représentaient initialement 8 fois le temps d'observation disponible. Integral a donc encore beaucoup de travail en prévision.

Pour plus d'informations, veuillez contacter :

Dr.Christoph Winkler,
ESA-ESTEC,

Keplerlaan 1, 2201 AZ Noordwijk, Pays-Bas
Tél. : +31 71 565 3591
Fax +31-71-565-5434
Courriel : Christoph.Winkler@rssd.esa.int
http://www.rssd.esa.int/Integral

Dr. Jean-Pierre Roques,
Co-responsable du spectromètre SPI,
Centre d'Etude Spatiale des Rayonnements (CESR),
BP-4346
31029 Toulouse Cedex, France
Tél. : +33 (0) 5 61 55 64 53
Courriel : roques@sigma-0.cesr.cnes.fr

Dr. François Lebrun,
Co-responsable de l'imageur IBIS,
Service d'Astrophysique,
CEA-Saclay
91191 Gif-sur-Yvette Cedex, France
Tél. : +33 (0) 1 69 08 35 69
Courriel : flebrun@cea.fr

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