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"Coeur" de trou noir, tel qu'on l'imagine
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Révélation liégeoise : insolite quasar solitaire !

08/12/2005 719 views 0 likes
ESA / Space in Member States / Belgium - Français

Les astrophysiciens liégeois sont sur la piste d’un incroyable duo quasar-trou noir.

Leur découverte confirme la perspicacité des chercheurs du Département d’Astrophysique, Géophysique et Océanographie (AGO) de l’Université de Liège qui s'illustrent régulièrement par des révélations scientifiques de portée mondiale: l’étude de la détérioration de l'environnement atmosphérique, le phénomène des lentilles gravitationnelles, la caractérisation des exo-planètes...

L’unité de recherche ATI (Astrophysique et Traitement de l’Image) de Pierre Magain s'est spécialisée dans la traitement numérique des images, pour arriver « par déconvolution » à la meilleure résolution possible, et ce, en tirant parti du moindre pixel. Elle a développé le logiciel MCS (les initiales de Magain-Courbin-Sohy, les trois auteurs de la méthode), c’est-à-dire un algorithme original qui donne des résultats supérieurs à toutes les autres méthodes actuelles.

Manifextation en rayons X et vision d’artiste du trou noir
Manifextation en rayons X et vision d’artiste du trou noir

L’algorithme employé ne vise pas à corriger la totalité des brouillages (optique et atmosphérique), mais à en conserver une partie tout juste suffisante pour que les détails les plus fins soient compatibles avec la taille des pixels choisis.

L'amélioration, grâce au logiciel MCS, de la résolution d’images de l'Univers très lointain a donné lieu à une surprenante révélation dans l'hebdomadaire "Nature" du 15 septembre. On a pu mettre en évidence – pour la première fois – un quasar solitaire, catalogué sous le nom quelque peu rébarbatif de HE0450–2958 (ça fait très « science-fiction ») : cet astre extrêmement brillant se trouve à plusieurs milliers d'années-lumière du centre de la galaxie la plus proche. Le quasar, qui est la manifestation lumineuse de l'effondrement de grandes quantités de matière au sein d'un énorme trou noir, est l'astre le plus énergétique de tout l'Univers et l'un des plus mystérieux. Or, tant le quasar que le trou noir ont l’habitude de se manifester au centre d’une galaxie…

Images de quasars grâce au Hubble Space Telescope
Images de quasars grâce au Hubble Space Telescope

Voici que les astrophysiciens liégeois Pierre Magain et Géraldine Letawe, en collaboration avec des collègues suisses, allemands et français, ont pu constater un phénomène insolite. En étudiant dans les moindres détails les prises de vues du HST (Hubble Space Telescope) sur orbite et du VLT (Very Large Telescope) au Paranal, ils découvrent que ce quasar n'est pas comme les autres...

Jusqu'ici, on avait noté que chaque quasar, tourbillon de matière échauffée spiralant vers le trou noir, se trouvait au centre d’une galaxie massive. Cette fois, on a affaire à un quasar qui semble extérieur à toute galaxie et qui trahit la présence d'un trou noir... solitaire. Celui-ci aurait arraché de la matière à une galaxie voisine, lors d’une collision survenue il y a quelque 100 millions d’années. Cette découverte suscite bien des questions… troublantes.

Disque d'accrétion autour d'un trou noir supermassif
Disque d'accrétion autour d'un trou noir supermassif

Ce quasar et trou noir solitaires seraient-ils au coeur d'une galaxie invisible, parce que constituée d’une étrange "matière obscure" (celle qui, selon les astrophysiciens, pourrait constituer l’essentiel de la masse contenue dans l’univers) ? Existerait-il dès lors de gigantesques trous noirs solitaires se baladant dans l'Univers ? Comment, lors de la traversée d’une galaxie, seraient-ils capables de lui arracher suffisamment de matière pour se muer en quasars ? La solitude du quasar et du trou noir intrigue autant qu’elle inquiète.

Grâce à sa méthode d'analyse minutieuse - l'imagerie du ciel passée au peigne fin - jusqu'aux confins de l'Univers, l'équipe ATI vient d'entrouvrir une porte étonnante qui risque de mettre sens dessus dessous notre connaissance de l'infiniment grand. Elle débouche en tout cas sur une piste jalonnée de nouvelles énigmes sur lesquelles les jeunes générations d’astronomes et d’astrophysiciens auront à plancher. Surtout que, pour répondre à leur curiosité, des instruments inédits et plus performants (notamment pour l’étude des ondes gravitationnelles) vont être mis à leur disposition au cours des prochaines années.

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