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Les satellites guident les personnels humanitaires pour le forage des puits destinés aux réfugiés africains

07/09/2004 3635 views 3 likes
ESA / Space in Member States / France

Pour subvenir aux besoins de plus de 180 000 réfugiés soudanais rassemblés dans la région désertique de l’Est du Tchad, le Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies a commencé à utiliser les données satellitaires pour recenser les ressources en eau souterraines et décider de l’emplacement de nouveaux camps.

Avec l’autorisation du gouvernement tchadien, il y a actuellement neuf camps du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR). L’UNHCR a transféré la grande majorité des réfugiés qui se trouvaient dans la zone frontalière vers les camps. Des milliers d’autres réfugiés sont venus par leurs propres moyens depuis la frontière, ce qui a accru la pression sur des ressources déjà maigres. Et l’on redoute toujours que davantage de réfugiés n’arrivent, fuyant le Darfour.

Cette énorme masse humaine doit être alimentée en nourriture, eau et services sanitaires de base dans cette région éloignée de tout, avec pour toute liaison, des routes peu praticables surtout en ce début de la saison des pluies. Le besoin le plus crucial, c’est l’eau. Les normes d e l’UNHCR fixent à 15 litres les besoins par personne et par jour mais dans l’Est du Tchad, certains camps restent en deçà de ce seuil minimum.

En mars, l’UNHCR a sollicité l’aide de l’UNOSAT pour aider à la localisation des ressources en eau souterraines et suggérer les meilleurs emplacements pour l’établissement de camps dans la région. Le consortium UNOSAT, soutenu par l’ESA, fournit aux agences des Nations Unies et à la communauté humanitaire internationale des produits d’information géographiques issus des images satellitaires.

Sur la base de l’analyse préliminaire de la situation de l’eau dans la région, l’UNHCR a proposé une stratégie de développement de l’eau, et, en collaboration avec l’UNOSAT, il a mis au point un recensement des ressources en eau. « Ils nous ont demandé de nous occuper de ce problème majeur qui est de disposer d’eau pour les réfugiés, et en coopération avec le cabinet de conseil Radar Technologies France (RTF) nous avons imaginé une solution » précise Olivier Senegas de l’UNOSAT. « Dès le début juillet, nous avons fourni des cartes des ressources hydriques sur 22 500 kilomètres carrés de territoire au pourtour des camps de réfugiés de Oure Cassoni, Touloum et Iridimi.

« Courant juillet, l’UNHCR et RTF ont réussi à confirmer l’existence de ces ressources en eau détectées par satellite, preuves sur le terrain à l’appui ; ceci est actuellement en cours d’examen plus poussé grâce à des analyses géophysiques ciblées sur site pour évaluer le potentiel et la productivité de ces ressources en eau.

La technique utilisée repose sur la synthèse des résultats fournis par différents satellites : images optiques multi-spectrales des Landsat, images radar en bande C des ERS de l’ESA et images radar en bande L du JERS-1 japonais. De plus, un modèle de numérique d’élévation du terrain (DEM), issu de la mission topographique radar de la Navette spatiale (SRTM), a été utilisé.

« Landsat fournit une excellente première approche pour connaître la région, en nous permettant de voir la végétation et les eaux de surface, s’il y en a », explique Olivier Senegas. « Il offre également une perception intéressante de la géologie, avec différentiation des structures rocheuses ».

« Le radar d’ERS fournit la topographie de surface, y compris les structures géologiques majeures comme les failles, les effondrements et les canaux de drainage enterrés, connus sous le nom de wadis, qui recèlent souvent des ressources en eau. Par la suite, le radar de JERS-1 a un signal radar de longueur d’onde plus élevée et peut donc sonder plus loin sous la surface dans les zones arides et détecter des indices de la présence d’eau ».

A l’aide de techniques déjà utilisées pour la prospection pétrolière, gazière ou minière, Alain Gachet de RTF a réuni ces informations pour produire des cartes potentielles des ressources en eau : « Les images optiques vous montrent la surface, ERS voit à une profondeur d’environ 50 cm et JERS-1 va jusqu’à un maximum de 20 mètres, si bien qu’en rassemblant tous ces éléments, on dispose d’une sorte de modèle en coupes transversales de la région étudiée.

« Et des images radar multi-temporelles peuvent révéler des changements de taux d’humidité dans le sous-sol qui indiquent éventuellement la présence d’eau souterraine – nous avons élaboré des algorithmes spéciaux pour les repérer ».

La mise à l’épreuve réelle de ce service a eu lieu lorsque les équipes humanitaires se sont servi des cartes pour faire des forages et des puits, ajoute Olivier Senegas : « il fallait que ce service soit accepté par les équipes en place pour être vraiment utile, et donc qu’elles en soient parties prenantes. Elles ne connaissaient pas bien l’observation de la Terre, mais en fait elles se sont montrées fort intéressées par la technique.

« Ce que les polygones sur la carte leur montraient, c’est qu’en réalité cette zone dispose d’importantes ressources en eau. Et de fait, les forages réalisés à l’intérieur de ces polygones ont révélé des possibilités d’alimentation en eau – ainsi que certaines zones en dehors des polygones d’ailleurs, mais à des niveaux de profondeur qui les rendent sans intérêt ».

Alain Gachet s’est rendu en personne au Tchad pour superviser la réalité de la campagne sur le terrain : « Les réfugiés sont dans une situation désastreuse et l’eau est un bien précieux. Jusqu’ici, les gens qui foraient les puits s’en remettaient essentiellement au savoir-faire local et aux techniques géophysiques de base – ils arrivaient à un taux de réussite de 50%, ce qui n’est pas si mal vu les circonstances, mais impliquait quand même une perte de temps et d’argent. Maintenant nos cartes leur indiquent les meilleurs emplacements, il leur suffit de suivre les indications ».

La deuxième phase du projet a consisté à utiliser les cartes pour choisir les sites à retenir pour de nouveaux camps. Cinq nouveaux camps avaient été envisagés, mais l’enquête cartographique a révélé qu’il n’y avait pas de ressources en eau à proximité. En revanche, sept emplacements mieux adaptés ont été recensés car ils combinaient des ressources en eau à proximité ainsi que des axes de transport et une topographie propice avec un sol sec.

Il est prévu d’élargir la couverture à tout l’Est du Tchad en fonction des besoins, poursuit Olivier Senegas. Les paysans tchadiens pourront aussi profiter de ces données à l’avenir et les cartes géo-référencées de haute précision pourraient éventuellement former la base d’un système d’information géographique (GIS) pour répondre aux besoins du pays.

« Le troisième aspect devrait, nous l’espérons, être utile aux populations locales, indépendamment de la crise actuelle » conclut Olivier Senegas. « Seulement 30 000 personnes au maximum vivent ici en temps normal, mais ils ont partagé ce qu’ils avaient avec les réfugiés. Ces cartes peuvent les aider sur le long terme, en montrant aux paysans, si vous creusez dans cette zone, vous avez plus de chances de trouver de l’eau pour irriguer vos champs ».

Alain Gachet ajoute: « Il n’y a vraiment pas de pénurie d’eau dans la région mais une absence de toute politique de gestion de l’eau. Lorsque je suis parti, la saison des pluies commençait – deux mois de précipitations intenses – mais la plupart du temps l’eau s’évapore avant de réalimenter les nappes souterraines. La cartographie par satellite pourrait à l’avenir servir de guide aux populations locales pour leur indiquer où ils devraient installer des barrages élémentaires sur le cours des wadis pour retenir l’eau et la stocker ».

A propos de Radar Technologies France

RTF est une entreprise privée qui a mis son expérience antérieure dans la prospection gazière et pétrolière au service de la prospection des ressources hydriques souterraines dans un but humanitaire.

L’expérience de RTF dans l’imagerie radar spatiale a démarré en 1996, lorsque la société a utilisé les données satellitaires combinées à la réalité de terrain pour effectuer de nouvelles découvertes de gisements d’or et de pétrole dans les forêts humides du Congo. La société est maintenant sollicitée par de grandes compagnies pétrolières comme Shell, Agip, Total, Exxon, ainsi que par des organisations humanitaires pour procéder à la cartographie de nouvelles ressources en eau dans les zones désertiques, par exemple en Libye, au Tchad et dans l’intérieur de l’Australie.

A propos d’UNOSAT

Sous l’égide du Bureau des Nations Unies pour les servuices d’appui aux projets (UNOPS), UNOSAT est un consortium à but non-lucratif financé par le Programme du Développement du Marché de l’Observation de la Terre de l’ESA, conjointement avec le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) et le ministère des affaires étrangères français.

UNOSAT fournit des produits d’information géographiques aux agences des Nations Unies ainsi qu’au monde de l’humanitaires et du développement, grâce à des accords conclus avec des fournisseurs de données comme Spot Image et Space Imaging Eurasia, ainsi que des sociétés de traitement spécialisées comme Gamma Remote Sensing et Digitech qui travaillent à transformer les données satellitaires brutes en produits et cartes opérationnels.

UNOSAT utilise également des données satellitaires pour des projets de développement en cours, par exemple sur la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal, dans la Corne de l’Afrique et au Nicaragua.

UNOSAT est partenaire du Consortium RESPOND – une activité de l’élément service (GSE) du GMES (initiative de surveillance globale pour l’environnement et la sécurité ) qui travaille avec la communauté humanitaire pour améliorer l’accès aux cartes, images satellites et information géographiques.

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