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La détection par Rosetta d’oxygène moléculaire
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La Belgique contribue à la première détection d’oxygène moléculaire à proximité d’une comète

02/11/2015 554 views 3 likes
ESA / Space in Member States / Belgium - Français

La sonde Rosetta de l’ESA a effectué la première détection in situ de molécules d’oxygène s’échappant d’une comète, une observation surprenante qui suggère que ces molécules ont été incorporées à la comète pendant sa formation.

Rosetta observe la comète 67P/Churyumov–Gerasimenko depuis plus d’un an, et la sonde a détecté une quantité importante de gaz différents qui s’échappent de son noyau. La vapeur d’eau, le monoxyde et le dioxyde de carbone sont les plus abondants, et une grande variété de gaz à base de nitrogène, de soufre, de carbone et même des gaz nobles ont également été détectés.

La comète le 18 octobre 2015 (image NavCam)
La comète le 18 octobre 2015 (image NavCam)

La prestigieuse revue scientifique Nature publie le jeudi 29 octobre une découverte stupéfiante : la sonde spatiale de l'Agence spatiale européenne ESA a découvert – pour la première fois – la présence d'oxygène dans l'atmosphère de la comète 67P/ Churyumov-Gerasimenko. Et si cela ne suffisait pas, il semble que l'oxygène gazeux soit un des principaux composants de la comète et constitue jusqu'à 10 % de l'atmosphère de la comète.

L’oxygène est le troisième élément le plus abondant dans l’Univers, mais la version moléculaire la plus simple de ce gaz, O2, s’est révélée étonnamment rare à trouver, même dans les nuages de formation d’étoiles, parce qu’il est très réactif, et se casse rapidement pour se lier avec d’autres atomes et molécules.

Cette découverte est totalement inattendue. Dans notre vie quotidienne, nous constatons par nous-mêmes comment l'oxygène a spontanément tendance à oxyder les matériaux : en fait, les atomes d'oxygène essaient de se lier avec d'autres atomes car cela libère de l'énergie. On peut citer par exemple la combustion de combustibles fossiles (qui contiennent du carbone) avec l'air (dans lequel se trouve de l'oxygène) pour donner naissance à du CO2, ou encore l'oxydation du fer qui se traduit par la formation de rouille. 

Dans l'hypothèse où de l'oxygène se soit un jour trouvé sur la comète, on aurait dès lors pu s'attendre à ce qu'il ait disparu depuis longtemps suite à toutes ces réactions. Et comme une comète date de 4 milliards d'années – le même âge que notre système solaire – ce n'était pas vraiment le temps qui aurait manqué. Comment dès lors expliquer que l'on retrouve autant d'oxygène dans une comète ?

Rosetta at Comet (landscape)
Rosetta at Comet (landscape)

L'article “Abundant molecular oxygen in the coma of comet 67P/Churyumov–Gerasimenko” par A. Bieler et al. rapporte cette découverte et présente les explications possibles.

L'explication la plus élémentaire revient tout simplement à supposer que l'oxygène était déjà présent lors de la formation de la comète. Etant donné que les comètes séjournent dans les parties périphériques et froides du système solaire, les éventuelles réactions chimiques sont extrêmement lentes et cela expliquerait que l'oxygène est encore présent aujourd'hui. Mais cette explication appelle elle-même de nouvelles questions : l'oxygène a-t-il été produit lors de la formation du système solaire, ou était-il déjà présent dans le nuage de poussière et de gaz qui a donné naissance au soleil et aux planètes ? Les observations astronomiques de tels nuages de poussière et de gaz proto-planétaires n'indiquent pas la présence du moindre oxygène…

Il existe également une explication alternative. L'oxygène aurait pu être créé dans la glace de la comète pendant le séjour de 4 milliards d'années dans les régions périphériques à la suite d'un bombardement de "rayonnement cosmique". Il s'agit d'atomes à haute vitesse qui se déplacent à travers la Voie lactée. Ils sont certes peu nombreux, mais de par leur grande énergie d'une part, et parce que 4 milliards d'années est un laps de temps considérable d'autre part, il semblerait que suffisamment d'oxygène puisse être produit. Les scientifiques restent malgré tout très prudents dans leurs conclusions : de nombreuses incertitudes demeurent sur les processus chimiques en cause à très basses températures, et le flux de rayons cosmiques sur les derniers 4 milliards d'années n'est pas très bien connu. Tout ceci permet difficilement de prouver cette explication alternative ou de la rejeter.

Dans tous les cas, la découverte d'une grande quantité d'oxygène remet en question beaucoup d'études antérieures sur la composition de l'atmosphère des comètes. Elle appelle à nouveau des questions sur la contribution que les comètes auraient fournies un jour à l'atmosphère terrestre. Rosetta a aujourd'hui découvert aussi bien de l'azote que de l'oxygène, et ce sont là les composants les plus importants de l'air que nous respirons, même s'il n'existerait au final aucun lien direct.

Cette découverte a été réalisée par le spectromètre de masse DFMS à bord de Rosetta. Son détecteur est une contribution belge à la mission (Institut d'aéronomie spatiale de Belgique - IASB, IMEC Leuven, OIP Oudenaarde). Les chercheurs de l'IASB sont co-auteurs de cette étude parue dans Nature et sont financés par la Politique scientifique fédérale belge. 

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