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Proba-3 Occulter and Coronagraph spacecraft
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Proba-3, le faiseur d’éclipses solaires de l’ESA

05/04/2024 59 views 0 likes
ESA / Space in Member States / Belgium - Français

Des centaines de millions de personnes à travers l’Amérique du Nord assisteront la semaine prochaine à une éclipse solaire totale, et des physiciens solaires affluent du monde entier pour les y rejoindre. Les éclipses offrent un bref aperçu de la fantomatique atmosphère qui entoure le Soleil – la couronne solaire – normalement invisible à cause des rayons ardents du Soleil. Mais la couronne pourra bientôt être étudiée de manière plus soutenue ; l’ESA a dévoilé aujourd’hui en Belgique la paire de satellites qui composent sa nouvelle mission Proba-3, destinée à produire des éclipses solaires à la demande en orbite.

Séparation des deux satellites de Proba-3
Séparation des deux satellites de Proba-3

Le satellite occulteur Proba-3 volera à environ 150 m du second satellite, le coronographe ; ils étaient tous deux montrés aujourd’hui aux médias sur le site de Redwire Space à Kruibeke, en Belgique, où ils subissent des tests avant le vol. La paire s’alignera avec le Soleil si précisément que l’occulteur projettera une ombre sur le coronographe, masquant ainsi le Soleil pour révéler la couronne.

« Les deux engins spatiaux se comporteront comme s’ils formaient un énorme instrument de 150 m de long », explique Dietmar Pilz, directeur de la Technologie, de l’Ingénierie et de la Qualité à l’ESA. « Ce sera toutefois extrêmement difficile d’y parvenir d’un point de vue technique ; s’il y a le moindre défaut d’alignement, cela ne marchera pas. Le processus de développement a été relativement long – entrepris par un consortium réunissant certains des plus petits États membres de l’ESA, et dirigé par l’Espagne et la Belgique – je suis donc très heureux de voir Proba-3 ici aujourd’hui, en train d’être préparé au lancement. »

Produire des éclipses solaires artificielles en orbite

L’idée sous-jacente n’est pas nouvelle : une capsule cylindrique Apollo a tenté de faire de même pour un vaisseau spatial soviétique Soyouz lors du projet d’essai Apollo-Soyouz en 1975. Mais le but avec Proba-3 est de produire ces éclipses artificielles au quotidien grâce à un vol en formation précis, et ce pendant au maximum six heures d’affilée durant chaque orbite de 19 heures et 36 minutes.

Éclipse artificielle produite par le véhicule américain Apollo
Éclipse artificielle produite par le véhicule américain Apollo

Les éclipses solaires se produisent en raison d’une coïncidence cosmique remarquable : le Soleil est 400 fois plus gros que la Lune, mais il est aussi précisément 400 fois plus éloigné. Cela signifie que lorsque les deux corps sont alignés précisément dans l’espace, la Lune recouvre la face ardente du Soleil, révélant la couronne solaire qui s’étend à des millions de kilomètres de notre étoile mère.

Région rarement visible de notre Système solaire

Cette région rarement visible de notre Système solaire intéresse autant sur le plan scientifique que pratique : un million de degrés plus chaude que la surface du Soleil située sous elle, la couronne donne naissance au vent solaire et à la météo spatiale, ainsi qu’à de violentes éjections dites « éjections de masse coronale » à l’origine de la météo spatiale et des tempêtes solaires, et qui peuvent potentiellement impacter à la fois les satellites en orbite et les réseaux terrestres de distribution d’électricité et de communication.

Les satellites Proba-3 créent une éclipse artificielle
Les satellites Proba-3 créent une éclipse artificielle

Pour mieux voir la couronne, des télescopes spécialisés au sol et en orbite appelés « coronographes » peuvent intégrer des « disques occulteurs », c’est à dire des boucliers soigneusement conçus pour masquer le Soleil dans leur champ de vision, imitant ainsi une éclipse solaire. Mais leur efficacité est limitée par un phénomène appelé « diffraction », à cause duquel de la lumière parasite se déverse sur les bords des coronographes. Pour minimiser cet effet, il faut positionner le disque occulteur à une plus grande distance du coronographe, mais les limites pratiques liées à la taille des engins spatiaux rendaient cette solution peu adaptée pour l’espace.

Fonctionnant comme un seul vaisseau spatial rigide

Enfin, jusqu’à présent. En faisant exécuter aux deux engins spatiaux un vol en formation précis au millimètre près, l’instrument principal de Proba-3, ASPIICS (Association of Spacecraft for Polarimetric and Imaging investigation of the Corona of the Sun), produira des données comme s’il se trouvait à bord d’un seul engin spatial rigide, ouvrant une région d’étude jusqu’alors inaccessible, située entre 1,1 et 3 rayons solaires en dehors du Soleil.

Lien laser entre les satellites Proba-3
Lien laser entre les satellites Proba-3

Cette précision sera obtenue en combinant une suite de technologies de positionnement de plus en plus précises : la navigation par satellite, des liaisons radio intersatellites, des caméras en lumière visible braquées sur des LED et enfin un faisceau laser réfléchi entre les engins spatiaux. Le deuxième instrument de Proba-3 est un radiomètre mesurant la production totale d’énergie du Soleil, une donnée importante pour la modélisation du climat.

Vol en formation entièrement autonome

Le vol en formation se déroulera de manière entièrement autonome, vers le sommet de chaque orbite de 60 000 km d’altitude, où les perturbations gravitationnelles, atmosphériques et magnétiques sont minimisées. La paire de satellites passera le reste de son temps en orbite à dériver en mode passif, en toute sécurité.

Vue dans l'infrarouge de la calibration du laser de Proba-3
Vue dans l'infrarouge de la calibration du laser de Proba-3

Comme pour toutes les missions de démonstration technologique Proba de l’ESA, la preuve du succès sera établie par la qualité des données scientifiques produites.

Permettre de nouveaux types de missions spatiales

Réussir un vol de formation précis ouvrirait une toute nouvelle ère pour la science et les applications. Des missions bien plus grandes qu’avec un véhicule spatial unique – comme d’immenses réseaux d’interférométrie optique ou radio en orbite – pourraient être exécutées, tandis que la possibilité de rendez-vous orbitaux précis rendrait possible l’entretien des satellites en orbite, prolongeant ainsi la durée de vie des infrastructures spatiales.

Entre-temps, les membres de l’équipe scientifique de Proba-3 profitent de l’éclipse solaire totale nord-américaine pour tester du matériel conçu pour la mission : des roues à filtres polarisantes développées pour ASPIICS, ainsi qu’une technologie LED alternative.

Proba-3, la mission faiseuse d'éclipses de l'ESA
Proba-3, la mission faiseuse d'éclipses de l'ESA

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