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L’ESA proche des origines de la plus grosse lune de Mars

20/10/2008 675 views 0 likes
ESA / Space in Member States / Belgium - Français

Des chercheurs de l’Europe spatiale sont près de découvrir l’origine de la plus grande lune de Mars, Phobos. Grâce à plusieurs passages rapprochés que la sonde Mars Express de l’ESA a récemment effectués, il semble à peu près certain que cette lune est un empilement de gravats, plutôt que la simple création d’un objet solide. Néanmoins, le mystère subsiste quant à la provenance de ces gravats.

A la différence de la Terre qui n’a qu’une simple lune d’importantes dimensions, Mars possède deux petites lunes. La plus grande d’entre elles est Phobos, un bloc rocheux de forme irrégulière qui ne mesure que 27 km x 22 km x 19 km.

Durant l’été, la sonde européenne Mars Express est passée à plusieurs reprises près de Phobos. Elle a procédé durant la plupart de ces survols, à des prises de vues au moyen de la High Resolution Stereo Camera (HRSC). Une équipe dirigée par Gerhard Neukum, Freie Universität Berlin, dans laquelle sont impliqués des chercheurs du DLR, l’établissement aérospatial allemand, a exploité ces données et les a confrontées avec des images antérieures pour construire un modèle 3D plus précis de Phobos. Si bien qu’il a été possible de déterminer son volume avec plus de précision.

Phobos, l’une des deux lunes de Mars.
Phobos, l’une des deux lunes de Mars.

Par ailleurs, lors d’une des approches de Phobos, le team de Martin Pätzold, Rheinisches Institut fuer Umweltforschung à l’Université de Cologne, a utilisé son expérience Mars Express Radio Science (MaRS) pour étudier de manière détaillée les signaux radio de la sonde. On a ainsi enregistré des changements de fréquence alors que la gravité de Phobos agissait sur Mars Express. Cet ensemble de données a servi à Tom Andert, Universität der Bundeswehr Muenchen et à Pascal Rosenblatt, Observatoire Royal de Belgique - tous deux font partie du team MaRS -, dans le calcul de la masse précise de la lune martienne.

En combinant les données de la masse et du volume, les deux équipes sont arrivées à déterminer la densité. Ce qui permet de fournir un indice sur la manière dont s’est formé Phobos.

Jusqu’ici, les données radio qui avaient été obtenues lors de la mission soviétique Phobos 88 et au moyen des sondes mises en orbite lors des deux dernières décennies ont établi la masse avec beaucoup de précision. « A présent, nous avons pu le faire dix fois mieux grâce aux mesures plus précises dans les variations de fréquence », note P. Rosenblatt.

Le team a déterminé que la masse pour Phobos était estimée à 1,072 1016 (1.072 10 exposant 16) kg, soit un milliardième de la masse de la Terre.

Les calculs préliminaires de la densité de Phobos font état qu’elle n’est que de 1.85 grammes par centimètre cube. C’est une densité plus basse que celle des roches de la surface martienne qui est de 2.7-3.3 grammes par centimètre cube. Elle est, par contre, très semblable à celle de certains astéroïdes.

La classe spécifique des astéroïdes qui ont la densité de Phobos est répertoriée comme étant la classe D. On croit que ce sont des corps fortement fracturés qui contiennent des cavernes géantes, parce qu’ils ne sont pas solides. Ils sont dus à un agglomérat de morceaux, qui tiennent ensemble grâce à la gravité. Les chercheurs les appellent « rubble piles » (empilements de gravats).

Vue rapprochée de la surface de Phobos.
Vue rapprochée de la surface de Phobos.

D’ailleurs, les données spectroscopiques reçues de Mars Express et d’engins spatiaux précédents montrent que Phobos a la même composition que ces astéroïdes. Ce qui donne à penser que Phobos – et c’est probablement le cas de sa petite sœur Deimos – est un astéroïde piégé par la gravité de Mars. Cependant, dans ce scénario, il est une observation qui reste difficile à expliquer.

Mosaïque photo de Phobos en super résolution.
Mosaïque photo de Phobos en super résolution.

D’habitude, les astéroïdes qui se trouvent piégés par une planète sont injectés sur des orbites aléatoires autour de celle-ci et sont retenus par la force de gravité. Mais dans le cas de Phobos, son orbite se situe à l’équateur martien, ce qui est très particulier. Les chercheurs ne comprennent toujours pas comme cela aurait pu se produire.

Il est un autre scénario, dans lequel Phobos aurait pu être fait de roches martiennes qui auraient été projetées dans l’espace suite à l’impact d’un grand météorite à la surface de Mars. Ces morceaux ne sont pas tombés complètement ensemble, mais ont formé un empilement de débris.

Première image HRSC  en couleurs de  Phobos.
Première image HRSC en couleurs de Phobos.

Ainsi, la question demeure non résolue: d’où sont venus les matériaux à l’origine de Phobos ? De la surface de Mars ou de la ceinture des astéroïdes ? Le radar MARSIS à bord de Mars Express a également obtenu des données inédites sur le sous-sol de Phobos. Ces données, combinées avec celles de la surface de la lune et de son environnement qu’ont prises d’autres instruments de Mars Express, contribueront également à mieux préciser l’origine de Phobos. Il est évident que l’on connaîtra toute la vérité quand des échantillons de cette lune seront ramenés sur la Terre pour des analyses dans des laboratoires.

Cette fascinante possibilité pourrait devenir une réalité puisque la Russie va tenter de le faire avec la mission Phobos-Grunt qui sera lancée l’an prochain. Pour se poser sur Phobos, elle aura besoin d’une connaissance précise de la masse telle qu’elle est mesurée par MaRS Experiment, et ce, afin de manoeuvrer correctement. Et on fera usage des images HRSC pour choisir le site d’atterrissage.

Note pour les éditeurs

Zoom HRSC sur le site d’atterrissage de Phobos-Grunt.
Zoom HRSC sur le site d’atterrissage de Phobos-Grunt.

Il est possible d’obtenir plus de photos de Phobos via ce lien http://www.esa.int/SPECIALS/Mars_Express/SEMAKVSG7MF_mg_1.html.

Entre le 23 juillet et le 15 septembre 2008, Mars Express a réussi une série de huit survols de la lune martienne Phobos, à des distances qui ont oscillé entre 4500 et 93 km de son centre. Ce qui a permis de procéder sur Phobos à des recherches les plus détaillées à ce jour. Pour observer Phobos, Mars Express tire parti de son orbite hautement elliptique qui la fait se rapprocher jusqu’à 270 km de la surface de Mars, puis s’éloigner jusqu’à 10 000 km de son centre, si bien qu’elle croise régulièrement l’orbite, à 9 400 km, de la lune martienne. A l’instar de notre Lune, Phobos montre toujours la même face vers la planète. Ce n’est qu’en venant de l’extérieur qu’on peut observer sa face cachée. Les autres sondes jusqu’à présent autour de Mars évoluent à des altitudes beaucoup plus basses et ne peuvent dès lors voir que la face de Phobos tournée vers Mars.

Schéma expliquant un survol de  Phobos.
Schéma expliquant un survol de Phobos.

La High-Resolution Stereo Camera (HRSC) a obtenu des photos de la surface de Phobos avec la résolution la plus élevée qui soit, en couleurs et en 3-D. Elle a fourni des images de zones qui n’avaient pas encore été photographiées. En septembre, la Super Resolution (SRC) Camera, qui fait partie de l’expérience HRSC, a également pris de nombreuses images. Au cours du second survol, tous les efforts ont portés sur le calcul précis de la masse de la lune grâce à l’expérience MaRS.

Les instruments Visible and Infrared Mineralogical Mapping Spectrometer (OMEGA), Planetary Fourier Spectrometer (PFS) et Ultraviolet and Infrared Atmospheric Spectrometer (SPICAM) ont collecté des informations détaillées sur la composition de la surface, ainsi que sur la géo-chimie et la température de Phobos.

Stereo view of Phobos.
Stereo view of Phobos.

Le radar MARSIS a obtenu des informations sur la topographie de la surface et sur la structure à l’intérieur de Phobos. L’Energetic neutral atoms analyser ASPERA a étudié l’environnement autour de Phobos, notamment le plasma aux alentours de la lune ainsi que l’interaction de Phobos avec le vent solaire.

Pour plus d’informations

Gerhard Neukum, HRSC Principal Investigator, Freie Universität Berlin, Germany
Email: gneukum@zedat.fu-berlin.de

Martin Pätzold, MaRS Principal Investigator, Rheinisches Institut fuer Umweltforschung, University of Cologne
Email:Paetzold@geo.uni-koeln.de

Pascal Rosenblatt, MaRS science team, Royal Observatory of Belgium
Email:Pascal.Rosenblatt@oma.be

Tom Andert, Universität der Bundeswehr Muenchen, Germany
Email: Tom.Andert@unibw-muenchen.de

Agustin Chicarro, ESA Mars Express Project Scientist
Email: Agustin.Chicarro@esa.int

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